Les éditoriaux d'Esprit Occitanie

19 octobre 2024

L'Éditorial du 09 octobre 2024

« PREHISTOIRE »

Ce n’est pas pour me vanter, comme le disait le regretté Pierre Desproges, mais je viens de participer comme bénévole, et avec d’autres forts sympathiques camarades, au festival du film de préhistoire, Objectif Préhistoire, qui se tenait à Cabrerets dans le Lot. Là où se situe la très belle grotte ornée du Pech Merle, gérée et conservée par une Mairie qui a l’intelligence d’y consacrer des moyens importants (proportionnellement à sa taille) afin que ce bijou des temps très anciens puisse perdurer dans le meilleur état et que toutes et tous puissent venir la visiter, l’admirer et en tirer profit chacun à sa manière.

Au menu, des films documentaires de grande qualité (dont 18 en compétition), un jury d’experts et tout un aéropage de scientifiques aussi passionnants que passionnés. Pendant plus de deux jours, le public, nombreux, curieux et attentif, a baigné dans une ambiance faite de culture, d’intelligence, de savoir, de savoir faire, et grâce aux réalisateurs de l’indispensable faire savoir. Ce fut une parenthèse revigorante pour nos esprits bien malmenés par les temps qui courent. Un public qui n’était pas composé que de spécialistes ou d’intellectuels, loin s’en fallait, mais un public captivé, même si pour beaucoup non averti. Un public qui est reparti enchanté et vraisemblablement à l’horizon de pensée ainsi élargi.

Alors la préhistoire, allez-vous me dire, pourquoi faire ? Et bien justement, elle est fondamentale dans vos vies et notre réflexion, encore plus aujourd’hui. Au moment où ce monde soufre de multiples maux, où la planète est profondément dégradée par les humains, au moment où ceux-ci se multiplient tout en altérant gravement les conditions ayant jusqu’ici permis à la vie de prospérer, il est grand temps de se poser des questions et si possibles les bonnes. Il nous faut remettre dans une direction plus heureuse cette humanité en délire. Mais pour déterminer où elle doit aller, il est essentiel de savoir d’où elle vient. Et là, les leçons de la préhistoire sont essentielles, irremplaçables.

Nos prédécesseurs aux consciences définitivement mortes – Néandertaliens, Denisoviens, et autres homo heidelbergensis – peuvent nous aider à nous situer, à retrouver notre chemin, à nous diriger avec plus d’humilité et de sagesse. Car comme l’a écrit l’archéologue et chercheur au CNRS Ludovic Slimak dans son dernier ouvrage (Sapiens Nu chez Odile Jacob) « Notre inconscience de ce que nous sommes au monde est totale ». Nos racines, même profondes, même lointaines et peut-être surtout parce qu’elles le sont, peuvent s’avérer salutaires dans ce moment de doute et de brouillard. D’où l’importance des travaux des chercheurs dans le domaine préhistorique, archéologues aux multiples et savantes spécialités, capables d’user de techniques complexes, d’appareillages sophistiqués, travaillant en équipes pluridisciplinaires issues de tous les pays. Comme dans les temps anciens objets de leurs études, les frontières n’existent pas pour ces scientifiques.

Et pour une fois, et nous ne le regretterons pas, ce festival s’est ouvert et fermé sans qu’aucun de ces petits barons et marquises de la politique n’y viennent y parader et lasser le public par leurs discours creux et éculés. Par contre, ils eussent été bien avisés de venir se fondre discrètement dans l’assistance pour, avec elle, apprendre et réfléchir. Deux verbes qui, hélas, ne font pas partie de leur vocabulaire, sinon pour tous du moins pour une grande majorité d’entre eux. Lorsque l’on a en charge la gestion de l’avenir, mieux vaut posséder un appareil cognitif performant et intellectuellement bien nourri. Il n’est que de suivre la politique nationale voire internationale pour prendre conscience avec un certain abattement (pour ne pas dire un effroi) que bien peu de politiciens en sont dotés.

Il nous faudra donc faire confiance à la « société civile » qui paraît elle disposer de solides ressources. Ce festival Objectif Préhistoire et tant d’autres manifestations similaires en sont la preuve vivante. Vivement sa prochaine édition et grand merci à ses deux promoteurs et organisateurs, Clémentine Brandeis et Bertrand Defois, pour l’avoir relancé de si belle manière.

P.S. Ecouter sur Esprit Occitanie l’émission Cap e Cap qui lui a été dédiée…

Jacques Lavergne / Radio web Esprit Occitanie

L'Éditorial du 28 septembre 2024

« Caramba, encore raté  »

La grande affaire de cette fin d’année sera l’élaboration du budget de la France. Avec une double contrainte : le déficit du pays s’accroit dans des proportions inquiétantes ce qui n’est plus supportable à terme ; Bruxelles a déclenché à l’encontre de la France une procédure d’endettement excessif. En effet, voilà un demi siècle que l‘Etat n’arrive pas à équilibrer son budget. Mais les sept ans de politique économique du Président Macron ont considérablement aggravé la situation.

Jugez-en : 3 228 milliards de dettes représentant 112 % du PIB alors que les règles européennes en prévoyaient au maximum 60 % ; 52 milliards d’euros d’intérêts à régler en 2024, soit 12 % de notre budget et son deuxième poste. Nous empruntons à des taux de plus en plus élevés avec à présent une inflation réduite ce qui en renchérit le coût. Durant cette année le déficit risque bien de dépasser les 6 % du produit intérieur brut. Dans le même temps, la France est le seul pays d’Europe à avoir vu son taux de pauvreté augmenter entre 2015 et 2023. L’avenir est tout sauf rassurant. Un tiers des français aura plus de 65 ans en 2070 ; les dépenses publiques liées aux retraites et à la santé vont croître de façon exponentielle. La démographie marque le pas. Et que dire des besoins de financement d’une transition écologique indispensable à la survie de nos civilisations.

Ne confondons pas dette et déficit. Ce dernier est le « produit » de l’écart entre recettes et dépenses. Il représentera peut-être six points de PIB cette année. L’on a nettement le sentiment d’une perte de contrôle de celui-ci ; de quoi inquiéter les marchés financiers et les organismes de notation avec les conséquences que l’on devine. Pourtant, les dépenses publiques n’ont pas bougé depuis 2017, elles seraient même un peu moindres. Alors d’où vient l’accroissement de ce déficit structurel ? D’une part des mauvaises performances économiques dues à la conjoncture : le rendement de l’impôt a été moins bon que prévu. Et d’autre part, et surtout, du fait que depuis sept ans, Emmanuel Macron a baissé les recettes dans d’importantes proportions. Impôt sur les sociétés, impôts de production, taxe d’habitation, impôt sur la fortune, flat tax – pour ne parler que d’eux - ont été ou supprimés ou ont vu leurs taux abaissés.

Résultat : environ cinquante à soixante milliards en moins dans les caisses de l’Etat, alors que celui-ci cherche quelque chose comme cent dix milliards pour équilibrer son budget ! Monsieur Macron a vidé les caisses avec sa politique de l’offre et sa fumeuse théorie du ruissellement. A l’évidence cette politique n’a pas fonctionné (sauf au profit de certains qui n’en avaient nul besoin). Notre pays creuse l’écart par rapport aux autres, notamment européens qui, eux, parviennent à dégager des marges. Nos besoins sont partout criants. Pourtant, le gouvernement va mettre le pays à la diète, et éventuellement proposer quelques hausses d’impôts à la marge. Le remède risque d’être de peu d’efficacité, surtout avec une économie et des gains de productivité atones. Sans oublier un pays sans réelle majorité, qu’un premier ministre en sursis et sans légitimité politique essaye de diriger sous la pression d’une extrême droite en embuscade. Bon courage…

Piètre bilan après sept ans de règne. Monsieur Macron nous a habitué à des échecs répétés ; beaucoup ont ponctué cette Présidence qui ne restera pas dans les mémoires si ce n’est comme contre exemple. Par contre cet énième insuccès nous coûte très cher et plombe une fois encore une France qui n’avait nul besoin de ce nouvel avatar macronien.

Le Président pourrait s’écrier comme le caporal Diaz dans L’Oreille cassée : « Caramba, encore raté » !

Jacques LAVERGNE

L'Éditorial du 08 septembre 2024

« Le joueur de bonneteau de l’Elysée »

Winston Churchill le disait « le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme ». Une phrase qu’Emmanuel Macron a dû faire sienne car il ne manque pas d’enthousiasme et possède une solide collection d’échecs. Néanmoins, il poursuit comme si de rien n’était sa politique, comme s’il était seul, comme si n’existaient ni parlement,  ni partis politiques, ni corps électoral, ni volonté exprimée par celui-ci.

Pendant des semaines, feignant d’atermoyer, il a usé et baladé le personnel politique et les Français après une élection où son camp s’est pris une gigantesque claque. Un seul but conserver à tout prix le pouvoir et ne tirer aucun enseignement de la volonté des urnes. Jouer les uns contre les autres, diviser pour mieux régner et, après avoir organisé le chaos, paraître comme le sauveur qui va réparer les dégâts. Il y faut une bonne dose de culot et un phénoménal hubris pour manœuvrer ainsi mais le garçon ne manque ni de l’un ni de l’autre.

Ainsi après avoir joué pendant des semaines au chat et à la souris, poussé l’exaspération de tous à son maximum, il a consenti à nommer un premier ministre. Il l’a choisi dans un parti droitier, les Républicains, qui ne représente même pas 10 % des députés à l’assemblée, un parti bien mal en point et c’est un euphémisme. Alors même que les électeurs avaient assez nettement désigné la gauche pour remplir cette fonction. Autant dire que Michel Barnier ne dispose d’aucune légitimité politique. Et qu’ainsi Macron espère bien garder la main et avoir barre sur son nouveau chef de gouvernement (On lui a d’ailleurs déjà désigné son directeur de cabinet, mauvais signe !). Pas sûr que cela fonctionne toutefois ; l’avenir nous dira si M. Barnier a du caractère et de la dignité.

La gauche dans son ensemble a regardé passer le train en poussant des cris d’orfraie, en criant au vol des élections et en se faisant rouler dans la farine. Qu’elle a d’ailleurs payée comme le cocu qui règle la chambre : pitoyable stratégie orchestrée avec le brio que l’on lui connaît par le sieur Mélenchon épaulé par Faure, son valet du PS (qui a même été jusqu’à faire huer le nom de Cazeneuve, potentiel premier ministrable de gauche). Tout a été fait pour se rendre indésirable, tout en revendiquant haut et fort le pouvoir mais en faisant tout pour ne pas se le voir confier. Certains députés du Parti Socialiste oubliant au passage qu’ils ont été élus grâce au front républicain constitué face au Rassemblement National, et donc au moyen de voix d’électeurs de droite.

Le pays ressort fragilisé de cet épisode politique désastreux, avec des finances en lambeaux, des chantiers urgents au point mort ; et bien sûr une politique écologique toujours aux abonnés absents au moment où la planète flambe littéralement. Sans oublier une guerre à nos portes, et des tensions géopolitiques préoccupantes. La voix de la France continue d’être inaudible au plan international et européen. Et force est de constater (comme d’autres pays européens) des gains de productivité quasi nuls contrairement aux Etats-Unis, nous privant ainsi de marges de manœuvres financières.

Le Président Macron a une fois encore démontré qu’il n’était pas un démocrate et n’avait que bien peu de qualités pour diriger un grand pays. Mais qui l’ignorait encore ? C’est un petit manœuvrier orgueilleux et arrogant, sans envergure, sans programme ni vision pour la France qu’il a contribué à affaiblir considérablement depuis sept ans. Tout en faisant le lit de la droite extrême devenue aujourd’hui l’arbitre de la vie politique. Pas très glorieux comme résultat. Désespérer l’électeur n’aura qu’un effet : faire bondir le taux d’abstention aux prochaines consultations.

Un nouveau monde nous avait-il promis : nous avons eu l’ancien…. en pire !

Jacques LAVERGNE

L'Éditorial du 22 août 2024

«JO et après ? tout sur la table et pas de recettes»

La période, sous l’égide du Président de la République, restaure le vieux débat philosophico politique de la place de l’imaginaire dans les discours politiques qui se veulent consistants. Après les luttes fratricides entre tenants du marxisme, du structuralisme et ses bifurcations gauchisantes de ‘Socialisme ou Barbarie’ ou de Cornelius Castoriadis (‘’L’institution imaginaire de la société ‘’) assistons nous à une renaissance sous les oripeaux du ‘en même temps’ (mais aussi des woke ou des théoriciens du genre) alors que d’autres en viennent par une approche souverainiste à flirter avec le ‘corpus imaginaire’ du Rassemblement National auquel il a été souvent reconnu qu’il se trouvait le plus proche du ‘réel’ des gens ?
Face au mécano politique de la rentrée, il semble, à tout le moins, que Macron se procure un grand plaisir digne des arts de la table et de ses grands sauciers. Il le suggère lui-même, tout est sur la table, les recettes sont à inventer dans une politique imaginaire au pied des podiums des JO.
Les fins de troisième mi-temps réussies dépendent d’un socle de valeurs que l’on voulait, jusqu’alors dire ‘symboliques’.
Qu’en est-il du pays après tant d’agitation de drapeaux, de chant de l’hymne et de reprises des vieux tubes des années 70 ?
Quelle grammaire politique va venir structurer cet immense déploiement imaginaire ? Ivresse des sommets, ce furent donc deux semaines hors normes. Mais en altitude, l’oxygène vient à manquer
La période de ce mois d’août à Paris permet toutes les dérives imaginatives.
Jacques Attali dit, fort justement, que nous pourrons juger seulement dans dix ans ce à quoi nous venons d’assister (il évoque la cérémonie d’ouverture) – une expression publique devenue totalement intégrée aux nouvelles mœurs ou la datation d’une déchéance de civilisation ?
Il a raison, il en est ainsi de chaque grand choc de mutations psychosociologiques, quand les foules décrites par Gustave Le Bon qui a montré leur manipulation par un langage qu’on pourrait dire imaginaire, arbitrent entre leur résilience à celles-ci ou les exposent violemment dans une phase d’exorcisme.
On comprend l’inquiétude de la prochaine capitale d’accueil, Los Angeles, qui constate qu’Hollywood sur Seine vient de s’emparer pour un temps de la production onirique de la meilleure facture.
L’imaginaire est porté au pinacle au pays de Descartes, des Lumières et d’une quasi-arrogance de la détention de vérités universelles. Ce serait donc là la dernière prouesse d’un jeune Président de rupture, retour à celui que je décrivais quelques mois avant son élection comme un ‘Petit Prince’ de la politique française (‘Pilhan, de quoi est-il devenu le nom’ Ed Entremises 2016).
Toujours est-il que sur le constat d’une incontestable réussite et d’une ruche médiatique de la parole publique, le pays se retrouve dans un état de sidération face à cette ivresse des cimes – l’ivresse d’être confrontés à un Compossibles comme le décrivait Leibniz, un potentiel malgré les contraintes, dans lequel chacun trouvait sa médaille de bien-être – fierté, unité sous les oriflammes ambiguës de l’identité.
Hasard et (ou) nécessité, ce pays rebelle et soumis, en crise profonde et en mal à son futur vient de produire une sorte d’instant inéluctable et irréductible ; il vient de se confronter à lui-même, de tenter de résoudre l’énigme de ce qui le ronge et, in fine, de produire l’inédit du drame antique dans lequel soit on sombre soit bien l’on devient Phoenix.
Sublimation, exorcisme ou autodafé événementielle d’une espérance dans laquelle on n’espère plus dans cette France sentimentale (cf. mon prochain essai en cours d’édition ‘Les France ressentimentales’ Presses de la Cité) ? Où en est le pays ? Quels sentiments cachés, quelles émotions secrètes travaillent les sous-jacents subjectifs ? Insistons un peu ici. Je considère que la société est traversée et troublée par la soumission générale à l’injonction émotionnelle, on est ‘’émo-vertis’. Et ce alors qu’elle se cache pour pleurer le manque de sentiments, leur consistance et leur rassurante continuité. Comment croire que la raison puisse trouver dans le factuel et l’affect, qui font le charme des pulsions, le substrat solide des équilibres cohésifs des relations humaines et sociales ? Si l’on cherche la riposte à l’esprit de délation, au harcèlement et à la violence sémantique des réseaux sociaux, c’est là qu’elle se trouve dans le lien pacifié du ‘commun’ dont s’enorgueillissait la République en ses valeurs.
On est loin de la parenthèse olympique ? Pas du tout !
Je vais le dire avec d’autres mots, nous allons voir : parlons d’imaginaire, d’une politique rêvée – nommons là ‘Utopie – et prenons la terrible réplique du psychanalyste Charles Melman à propos d’un héros en ces terres : Jean Jacques Rousseau ; «  Les utopies sont toutes organisées autour de la tentative d’escamoter le Réel. Elles s’accomplissent : soit par la tentative de symboliser l’Imaginaire en affirmant le pouvoir résolutif de la raison – et nous en avons toutes les traces dans l’histoire, avec le type de terreur politique qui a pu être exercée au nom de la raison – soit, en même temps et d’une façon apparemment parfaitement consistante avec la première, par la tentative d’imaginariser le Symbolique … il s’agit chaque fois de se mettre à l’abri du Réel –, cette réversibilité semble intuitivement admise et ces deux voies, ces deux tentatives apparemment contradictoires peuvent coexister et être admises sans trop de difficultés » ( Le Réel, Charles Melman, ‘Travaux pratiques de clinique psychanalytique’ 2013)
Et si nous en étions exactement là ! Nous aurions produit un scénario fiction de nos pulsions cachées pour sortir de scène avec panache dans un récit improbable et puissant, riche de la culture mythologique de ses conseillers pour l’écriture, du talent artistique incontestable de ses metteurs en scène, du mépris du consensus traditionnel pour celui du mainstream au prix de la prise de risque maximum décrite plus haut par Jacques Attali d’un lâcher prise collectif au plus près des doutes, des symptômes d’une société au bord des abysses.
Car tout cela ne serait rien si ce n’avait pas marché au-delà de ce que ses promoteurs pouvaient en espérer.
Tout se mit en mouvement fluide. Ça commence comme ça, un essai de Dupont (ça ne s’invente pas), du génial Dupont qui, de plus, incarne un esprit flamboyant adulé des Français. La machine à symboles peut se nourrir : des performances sportives, d’un public dopé à l’unité nationale, d’une organisation parfaite.
Imaginariser le symbolique ou symboliser l’imaginaire ? Qu’importe, ça fonctionne ! Le réel effacé et alors ? Le Président peut légitimer le Petit Prince, s’absoudre d’une dissolution hasardeuse ou contreversée et s’afficher garant de cet imaginaire tsunami qui s’arrange avec le réel. Il l’a dit d’emblée – disruptif et ‘en même temps’, voire hors du temps pour un maître des horloges -. Les financiers et banquiers sont ainsi entre imaginaire de leur monde et symbolique de la monnaie !
Le crime non mais le rapt est presque parfait. Le Rn privé de l’imaginaire porté sur lui après la communication à la hache des législatives où la crédibilisation recherchée dans l’appel au réel pour des électeurs qui ne le demandaient pas, un fiasco ! La gauche ringardisée, incapable de répondre à la démagogie imaginaire et coincée par la dérive communautaire de LFI.
Le Président-banquier va-t-il réussir son coup et faire signer les actes d’un nouvel élan politique déroutant devant des opposants jusqu’alors sidérés ?
Un signe – les experts en communication des think-tanks de gauche commencent à se mettre en ordre de marche derrière cette nouvelle manière d’être post-modernes à coup de grande maîtrise des études qualitatives de l’opinion émotionnelle.
La série s’annonce passionnante. Je voudrais après ces prémisses qui affichent mon incrédulité mais surtout ma prudence face aux anticipations dans cette situation – disons-le tout net : ça ne peut qu’imploser et provoquer le retour cruel du réel. Pourtant il y a un doute car le scénario adhère comme un gant à l’organisation actuelle de la société autour du virtuel, des émotions et des réseaux sociaux.
Ma thèse est qu’il n’y a que des propositions de politiques imaginaires accentuées par le déploiement massif de l’intelligence artificielle générative et par la place prise par le virtuel et la viralité des réseaux sociaux. Il s’avère dès lors très difficile d’aller à contre-courant tant la demande du nouvel individualisme est fort et va lui-même dans ce sens.
Ce sera l’épisode 2 de la saga ‘ La politique olympique imaginaire du Président’ (à suivre).
Pierre Larrouy
 
Pierre Larrouy est économiste et essayiste. Docteur en sciences économiques et diplômé de l'Institut d'Etudes et de Développement, il a été chef de cabinet du Ministre de l'Education nationale Alain Savary, conseiller du Ministre de la Jeunesse et des Sports Roger Bambuck, conseiller du Président de la Mutualité française et conseiller à la Présidence de Polynésie française. Auteur de plusieurs essais (Après, UPPR, 2019 ; Ubérisation, utopie et tyrannie, UPPR, 2017 ; La crise innovante, UPPR, 2016 notamment) et articles, Pierre Larrouy travaille aujourd’hui sur la société numérique, ses conséquences psycho-sociologiques et politiques et sur de nouveaux modèles d’intelligence spatiale et de développement territorial.

L'Éditorial du 27 juillet 2024

« Le Coup d’Etat permanent »

Le Coup d'État permanent est un essai de François Mitterrand, publié par Plon en 1964 pendant la présidence de Charles de Gaulle. François Mitterrand y dénonce la pratique du pouvoir personnel par le général de Gaulle. Le titre s'appuie sur la notoriété du livre de Léon Trotsky La Révolution permanente.

Ne devrait-on pas écrire aujourd’hui le remake de ce livre au vu de l’attitude du Président Macron ? N’est-ce pas ce qui est en train de se produire : une forme de coup d’Etat ? Comment un Président de la République peut-il brutalement dissoudre l’Assemblée Nationale, provoquer des élections législatives, les perdre largement et n’en tirer aucune conclusion ? Notamment en laissant en place un gouvernement démissionnaire, démotivé, sans plus aucune capacité d’action, chargé d’expédier les affaires courantes, qui ne décide plus rien, n’a plus aucun projet, ne représente plus rien. Mais reste aux ordres de l’homme de l’Elysée lequel continue à gouverner comme si rien ne s’était passé dans le pays.

Qui continue à gouverner et c’est bien là un des problèmes qui affaiblit notre démocratie. Comme Sarkozy avant lui, Emmanuel Macron s’est arrogé des prérogatives que la Constitution a confiées au Premier Ministre. L’actuel Président a réduit celui-ci au rôle de super ministre, à ses ordres et ne disposant d’aucun pouvoir personnel. Tout part de l’Elysée, tout y est décidé, tout y est pensé. Les ministres, même le premier d’entre eux, ne sont que des exécutants, parfois court-circuités si telle est l’humeur du Président.

L’on a souvent écrit ici qu’E. Macron n’avait pas la forme d’intelligence que requérait son éminente fonction. Il a par contre un ego hypertrophié, un colossal hubris comme l’avait dit son ancien ministre de l’intérieur, pourtant compagnon de route et soutien de la première heure. Celui-ci a fini par claquer la porte après avoir pris la mesure de la démesure de son poulain devenu son patron tout puissant. Lequel est affecté d’une monumentale prétention qui en fait un donneur universel de leçons et un « monsieur je sais tout » prétendant tout régenter.

Notre pays fait bien pâle figure dans un monde perturbé par d’innombrables tensions et conflits, une guerre à nos portes, une planète souffrant d’un changement climatique plus que préoccupant, d’innombrables pollutions, d’une gigantesque chute de la biodiversité. Sans oublier une Union Européenne qui a besoin de se reformer, de se muscler de faire bloc. La France est devenue un des maillons faibles de cette alliance. Un pays aujourd’hui ingouvernable du fait des politiques erratiques d’un Président se pensant omniscient, omnipotent, qui manifeste un mépris profond pour les Français, pour tous ces électeurs qui ont le tort de ne pas reconnaitre ses immenses mérites.

Il est à présent urgent de préparer le budget de la sécurité sociale, mais aussi le budget de l’année 2025 avec les inévitables arbitrages qui l’accompagnent. Qui y a-t-il de plus politique qu’un budget et ses grandes options ? Qui va les effectuer ? En moins de dix jours la Cour des comptes, le Fonds monétaire international, la BCE ont fait par de leurs inquiétudes quant aux dérives de la dette française et à l’ampleur du déficit public. L’Union Européenne vient de lancer une procédure pour déficit public excessif (5,5%) de la France (mais aussi de six autres pays). Nous devons envoyer à la Commission les plans à moyen terme pour revenir dans les clous. Et ce d’ici septembre. Là aussi, qui va s’en charger ? Qui va opérer les choix inévitables ?

Jusqu’à quand ce Président hautain, méprisant et irresponsable va-t-il jouer avec nos intérêts, avec la Démocratie et mettre notre pays en danger ?

Banyuls, le 26 juillet 2024 / Radio Esprit Occitanie / Jacques Lavergne

L'Éditorial du 28 juin 2024

LE RÈGNE DU BONIMENTEUR

Drôle de campagne tout de même. Je sais bien qu’elle a pris le monde politique de court, qu’il n’y été a pas été préparé et que la brièveté de celle-ci interdit la finesse et l’élaboration de programme précis, réfléchi, documenté et surtout économiquement chiffré. Mais là, quand même, l’on a très nettement le sentiment que tout cela a été bâclé.

Et l’on en veut pour preuve le fait que certains partis – RN en tête ce qui n’étonnera personne – claironne que le programme mis en avant ne sera pas respecté. Heureusement pour la France ! Mais il est inquiétant de voir certains personnels politiques afficher une assurance de vainqueur, singulièrement Monsieur Bardella, alors même que chacune de ses interventions démontre une méconnaissance totale des dossiers, une inculture politique et même générale affligeante. Par les temps qui courent, cela s’avèrerait véritablement très dangereux en cas d’arrivée de ce personnage au pouvoir.

Certes le monde est complexe, certes il est difficile à décoder, à prévoir, nous en sommes d’accord. Diriger un pays n’est plus une sinécure, et comme je crois déjà l’avoir écrit, il serait de notre intérêt de porter à sa tête les meilleurs d’entre nous, au moins les plus capables d’en assurer la direction, a minima ceux qui ont quelque expérience et une formation solide. Un profil il est vrai complexe à trouver. Mais l’on a parfois des certitudes devant certains postulants : ils ne sont à l’évidence pas taillé pour le poste. C’est le cas du personnage cité ci-dessus, et de ses camarades. S’il était besoin de s’en convaincre leur passage au Parlement européen n’a pas laissé de grands souvenirs, si ce n’est peut-être en matière judiciaire. Nous verrons ce qu’en concluront à l’automne les magistrats du Tribunal correctionnel qui auront à en juger certains pour détournement de fonds publics.

Ce qui est étonnant n’est pas qu’ils tentent par tous les moyens de se faire une bonne place au soleil : ils ne sont pas les premiers. D’autres qui ne valaient au final pas mieux, l’ont tenté et réussi. Non, ce qui peut stupéfier, c’est qu’ils se trouvent des Français, bien nombreux il faut le reconnaître, qui votent pour eux. Autrement dit qui se tirent une balle pied. Ils me font penser à ces gens, aussi intelligents soient-ils, écoutant des bonimenteurs de foire leur vendre des presse-purée, lesquels tomberont en panne après trois utilisations. Alors qu’ils ont parfaitement les moyens de s’acheter un robot ménager dans une maison sérieuse.

La magie du verbe de certains charlatans paraît exercer une bien curieuse attirance chez nombre de nos concitoyens pourtant parfaitement pourvus en neurones. Cela me rappelle la fascination exercée par le célèbre serpent du Livre de la Jungle, Kaa ! On vote de façon épidermique, les affects prennent le dessus sur le raisonnement et la réflexion. Envie de provocation, raz le bulletin des sempiternelles têtes donneuses de leçons, manipulations et matraquages des réseaux sociaux, des trop nombreuses chaines « d’informations » en continue. Et puis confusion regrettable de tout un chacun entre le désir et le possible.

Mais être électeur, c’est aussi une responsabilité, un devoir de s’informer, de se documenter, de réfléchir, de comparer, de ne pas être « l’Homme d’un seul livre ». Il est vrai que cela n’est pas simple, encore moins à l’époque actuelle. Le père du regretté Camus le disait : « un homme, ça s’oblige ». Il est temps de suivre le conseil, dans l’intérêt de chacun qui est aussi celui de tous. Et de ne pas tomber dans le panneau ni céder aux manœuvres d’ « enfumage » de bonimenteurs creux, bien habillés et propres sur eux, mais à la vacuité intellectuelle sidérale.

Jacques Lavergne le 28 juin2024

L'Éditorial du 25 juin 2024

L’immigration, un problème ? Non, une solution

Tous les pays de la planète sont confrontés aujourd’hui au vieillissement démographique et au recul de la population en âge de travailler. Un problème qui touche durement les pays européens, comme le fait remarquer l’économiste Patrick Arthus dans un récent article du journal Le Monde. Les conséquences économiques et sociales vont très rapidement se faire sentir et poser d’énormes problèmes (retraites, couverture maladie) notamment aux pays du sud de l’Europe. (France, Italie, Espagne).

Ce mouvement sera amplifié par la baisse du taux de fécondité : il doit être a minima de 2 si l’on veut assurer le remplacement des générations. Dans la zone européenne, la population en âge de travailler va baisser entre 2023 et 2050 de 17 % ; la France sera touchée à hauteur de 7 %. Par comparaison, l’Inde voit sa population en âge de travailler augmenter de 3 % par an.

Plusieurs solutions existent pour endiguer les effets négatifs de cette situation. Une première consiste à accumuler des actifs extérieurs sous forme d’actifs productifs, autrement dit, investir dans des entreprises et des infrastructures de pays restant jeunes. La baisse du revenu domestique sera compensée par des revenus rapatriés. Les habitants du pays concernés produisent moins mais leur revenu par habitant se maintient. C’est la solution retenue par des pays comme le Japon, la Suisse, la Norvège, Singapour, l’Arabie Saoudite, l’Allemagne.

Une autre stratégie consiste à maintenir la capacité de production des entreprises afin de garantir des gains de production élevés. Les pays l’ayant adoptée augmentent leurs dépenses en recherche et développement (5 % du PIB pour la Corée du sud qui connaît un taux de fécondité catastrophique de 0,72 % ; 3,5 % aux USA ; 2,5 % dans la zone Europe). Mais aussi alignent des volumes considérables de robots industriels. (1014 en Corée du sud pour 10 000 emplois pour 180 en France !). Une solution retenue également par la Suède, l’Autriche, les Pays-Bas, le Japon.

Rien de tout cela en France, où le niveau des dépenses en recherche et développement est bas, tout comme le taux de robotisation et qui connaît une dette extérieure nette s’élevant à 32 % de son PIB. Nous allons donc prendre de plein fouet les effets négatifs du recul de la population en âge de travailler. Il est trop tard aujourd’hui pour accumuler des actifs extérieurs suffisants. La montée en gamme et la modernisation de nos entreprises s’amorce timidement, notamment sous la pression de la Commission européenne. (Merci l’Europe !) Ainsi l’on développe la transition vers l’industrie verte, on facilite la création d’entreprises dans les domaines de l’intelligence artificielle, des semi-conducteurs, de l’espace, des ordinateurs quantiques…

Mais ce mouvement est bien tardif, peut-être même trop tardif. Qui va travailler dans ces entreprises, si le nombre des anciens augmente et que les Français font moins d’enfants ? Qui va payer les retraites, les cotisations maladies ? Peut-être faudra-t-il alors user de la solution retenue par les Etats Unis dont la population laborieuse a cru de 1 %, mouvement qui s’accélère actuellement. Comment y sont-ils parvenus ? Tout simplement en recourant à l’immigration, en incorporant aux pays des forces jeunes et neuves. Madame Merkel n’avait-elle pas fait de même en 2015 ? Au total, 1,6 million de demandeurs d'asile sont arrivés en Allemagne, essentiellement venus de Syrie, d'Afghanistan, d'Irak, d'Iran et d'Erythrée. Plus de la moitié d’entre eux, grâce à des efforts de formation et d’incorporation, travaillent aujourd’hui dans l’industrie Allemande.

Mais si l’on en croit le pseudo programme de ce parti extrême qui se croit en capacité de gouverner la France – le R.N. bien sûr – tous les immigrés doivent être mis dehors, leurs aides supprimés, jusque même aux soins que nous leurs prodiguons qui devraient l’être aussi (la santé publique des Français n’est apparemment pas le souci de ces gens). Bref du pur populisme de politiciens ou se prétendant tels qui ne connaissent pas leurs dossiers. Et par démagogie, par arrivisme sont prêts à brader l’avenir de la France et de ses habitants.

Jacques Lavergne le 25 juin2024

L'Éditorial du 20 juin 2024

Il n’est plus l’heure de l’amateurisme populiste

Cela y est l’Europe a un nouveau Parlement et bientôt une nouvelle commission. L’un et l’autre vont pouvoir se pencher sur la situation économique des 27 qui est loin d’être brillante. Beaucoup d’investissements à réaliser et peu de moyens pour le faire. Il va falloir dégager 750 milliards pour financer les grands chantiers que sont :

-         la défense qui est entièrement à revoir et à reconstituer avec une guerre à nos portes,

-         La démondialisation qui conditionne notre indépendance,

-         Le digital qui est en berne,

-         La démographie qui stagne avec des populations qui ne se renouvelle plus notamment dans les pays du sud,

-         La décarbonation qui n’avance pas avec les risques que l’on sait pour tout être vivant.

Ce que le Président le l’Amafi (association française des marchés financiers), Stéphane Giordano nomme les 5D. L’urgence absolue étant bien sûr la lutte contre le réchauffement climatique, un problématique quasiment existentielle pour les êtres humains. Coût de l’opération si on se réfère au Pacte vert de l’Union : 620 milliards d’euros.

Comment financer tous ses besoins, tous plus urgents les uns que les autres ? L’Europe est certes riche mais pas assez pour financer l’ensemble de ces chantiers. Et sa croissance asthmatique ne peut pas soutenir pareils investissements, contrairement par exemple aux Etats Unis. Il faut le savoir : l’écart entre nos deux PIB se creuse inexorablement alors que ceux-ci étaient comparables au siècle dernier. Celui de l’Europe s’élève à 17 000 milliards d’euros ; celui des US à 23 600 milliards d’euros, 50 % de plus donc. Et si l’on regarde ce qu’il en est par habitant, c’est pire : 75 000 euros pour un américain, 41 000 euros pour nous.

Que fait l’Europe ? Elle ne se bat plus vraiment, elle n’investit pas suffisamment contrairement aux deux autres blocs que sont la Chine et les Etats Unis, qui sont les maîtres des nouvelles technologies. Ce dernier pays se payant ses avancées grâce à nos euros car ceux-ci placés sur le marché financier américains rapportent toujours plus. Selon toujours l’Amafi, un tiers de l’épargne européenne sert à conforter les entreprises américaines. Cette épargne contribue donc à moderniser ces dernières, bien aidées par l’Etat US qui va injecter 350 milliards d’euros sur 10 ans là où nous n’en affecteront faute de mieux que quelques milliards. Ce programme économique dénommé IRA pour Inflation Réduction Act, permettra aux entreprises américaines de se décarboner et de développer des énergies propres. Et nous et notre continent, qui se réchauffe plus vite que le reste de la planète, nous resterons à la traine avec les dangers que l’on sait pour ceux qui le peuplent.

Une chose est sûre, et c’est Patrick Artus qui le dit sans ambages : « Eviter l’emballement climatique serait un investissement bien plus rentable que la chasse aux déficits publics ».

Une seconde est tout aussi sûre : la France seule, sans l’Union Européenne, avec ses 3 101 milliards d’euros de dettes, serait condamnée à la paupérisation accélérée, n’en déplaise à certains qui voudraient s’en détacher ou la vider subrepticement de son contenu opérationnel.

Une troisième de n’est pas moins : ce n’est pas en portant au pouvoir des populistes aux programmes, vides, indigents, totalement déconnectés de la réalité et rétrogrades, que nous allons résoudre ces équations quasiment existentielles.

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