L'Éditorial du 2 mars 2025
«TOTALE ABJECTION»
Il est tout simplement aussi stupéfiant qu’intolérable de voir un homme de bien, courageux, en guerre depuis trois ans, dos au mur, représentant un pays martyrisé par des agresseurs agissant avec sauvagerie, se faire mettre plus bas que terre, menacer et ridiculiser devant le monde entier par une équipe d’anarcho-capitalistes libertariens sûrs d’eux et dominateurs, qui se payent même le luxe de nous donner des leçons. Le comble de l’impudeur !
Les Etats-Unis qui furent longtemps en guerre - froide – avec la Russie et ses satellites en sont aujourd’hui devenus les alliés. Un gangster, Poutine, qui a pillé son pays avec sa mafia, fait tuer sans états d’âme des dizaines de milliers de ses compatriotes dans une guerre de conquête brutale et sauvage d’un pays voisin pacifique, aujourd’hui allié avec une puissance dont les ressortissants se sont jadis fait massacrer sur les plages de Normandie et sur quelques autres pour notre liberté, pour nous libérer du joug nazi ! Ceux-ci avaient du courage et des valeurs, nous savons ce que nous leur devons. Trump et ses affidés les déshonorent, crachent sur leur mémoire avec une morgue et un cynisme qui en disent long sur cette race d’hommes. Nous possédons en Europe quelques représentants de cette extrême droite populiste dont il serait sage de se méfier tant ils attendent leur heure avec une visible impatience.
Mais après tout qu’il y a-t-il de si étonnant dans ce rapprochement ? Poutine et Trump sont faits du même bois : deux crapules qui cherchent à capter le pouvoir afin de modeler l’État à leur goût et à leur service. Afin de mieux le dominer pour ensuite bien sûr le piller. Et ce pour leur plus grand profit et celui de leurs complices. En Russie on appelle ceux-ci des oligarques ; aux USA, ce sont de grands capitalistes. En réalité, ils sont assez semblables même si leurs origines sont différentes. Ils constituent à l’est comme à l’ouest une mafia organisée mettant un territoire en coupe réglée. Certains le font à l’échelle d’un quartier, on les qualifie de racailles ou de petites frappes. D’autres le font à la dimension d’un pays ce qui leur donne un vernis de légitimité, une apparence de respectabilité et surtout des moyens financiers et coercitifs sans commune mesure : on les appelle Président, ils sont présents à l’ONU, au G 20, aux différentes COP, on leur déroule le tapis rouge.
Mais au fond, ils ont le même but : asservir leurs concitoyens, ponctionner les ressources d’un pays, s’exonérer d’un maximum de règles et d’obligations, à commencer par celles concernant les impôts, vivre entre eux, loin des gueux tout juste bon à les servir. Et que l’on ne vienne pas leur parler de ce régime qu’ils abhorrent et rêvent de rayer de la carte du Monde : la démocratie et son cortège de valeurs, de principes, de normes, son respect des êtres humains, sa culture, son droit et ses juges. Des empêcheurs de piller, de massacrer la Planète, de jouir tranquillement, entre soi, entre bandits de la même espèce.
Longtemps les libertariens ont rêvé - et parfois tenté de créer – des territoires qu’ils géreraient comme une entreprise, en dehors de tout structure étatique contraignante. Et pour partie, ils l’ont fait à travers des Cités-États, ports francs, zones hors taxes ou pôle d’innovations, paradis fiscaux, ou enclaves diverses. Ils ont aujourd’hui adopté une autre tactique, apparemment prometteuse : s’emparer d’un État pour le vider de son contenu de l’intérieur et s’en accaparer la substantifique moelle, de véritables termites. Ah le délice des subventions publiques, de l’argent de tous ces contribuables benêts que l’on peut s’approprier au service de ses propres intérêts ! Musk et ses pareils en sont friands. Lorsque les américains émergeront de leur léthargie et de leurs fantasmes, nul doute qu’ils auront la gueule de bois.
D’ici là les Européens ont tout intérêt à s’entendre, s’unir, faire taire des divisions secondaires, durcir et leurs discours et leurs actes. Le laisser-aller jouisseur, c’est terminé, nous allons devoir vivre plus rudement mais c’est impératif. Il faudra avoir le courage politique de le dire, voire de l’imposer.
Faute de quoi, nous deviendrons à notre tour une colonie au service de ces dangereux prédateurs. Notre monde évolue vite, très vite et pas forcément bien. Mettons tout en œuvre pour qu’il ne devienne pas la proie des salauds…
Jacques Lavergne / 2 mars 2025 / Esprit Occitanie
L'Éditorial du 08 février 2025
«LE YALTA DES VOYOUS
Du 4 au 11 février 1945, Winston Churchill, Joseph Staline et Franklin D. Roosevelt se réunissent à Yalta, au bord de la mer Noire, en Crimée, afin de régler les problèmes posés par la défaite inéluctable des Allemands.
Aujourd’hui nous assistons à un phénomène similaire, une réunion certes moins formelle mais destinée à remodeler le monde en profondeur, avec des acteurs et une philosophie politique bien différente.
Des politiques qui n’en ont que le nom et sont en réalité de dangereux prédateurs, jugez-en :
· Poutine, un gangster parvenu au sommet du pouvoir, qui a éliminé physiquement ceux qui auraient pu entraver sa marche vers le poste suprême ; qui a muselé une population de 144 millions d’individus, dont il a fait tuer quelques centaines de milliers dans une guerre inique et sans fondement ; qui a mis le pays en coupe réglée économique en mettant la main sur toutes les richesses du pays, notamment le gaz et le pétrole, plaçant à la tête des compagnies nationales des complices à lui, appelés oligarques. Une mafia pure et simple. A surtout ne pas manquer sur ARTE la série documentaire de Jérôme Fritel et Marc Roche Oligarques, le gang de Poutine ; fouillée, documentée, précise, aussi instructive qu’inquiétante.
· Trump, que seule son élection a sauvé de la justice américaine, imprévisible, irrationnel, humainement méprisant, à l’évidence d’une grande inculture, affichant un programme extrême droitier à base de déclarations floues faites à l’emporte-pièce ; qui s’entoure d’individus fantasques et pour certains notoirement incompétents ; qui se prend pour le roi de la planète en se mêlant de tout ce qui s’y passe avec le projet d’y imposer ses vues ; qui entend instaurer avec tous les pays, amis ou concurrents, des rapports de force pour les soumettre à ses volontés ; qui veut démanteler les institutions de son pays afin qu’il n'y ait plus aucun frein au capitalisme débridé qu’il appelle de ses vœux ; et qui est entouré de chefs d’entreprises séduit par ce programme leur donnant carte blanche, pas encore vraiment des oligarques mais qui en prennent le chemin avec beaucoup d’enthousiasme.
Deux individus dont le seul but est de confisquer le pouvoir au service de leurs intérêts et qui vont s’entendre sur le dos de la Planète afin de mieux les servir. Lesquels passent pour l’un par un affaiblissement de la démocratie (Trump) et pour les deux par la brutalité, le bluff, l’organisation du désordre mondial, la prédation des ressources naturelles et humaines, le mépris pour la chose publique et le droit international, l’irresponsabilité, le déni des réalités, le courtermisme, l’indifférence aux souffrances des plus démunis. Des néolibéralistes mettant en avant la politique de l’offre, centrée sur les entreprises, la réduction drastique des dépenses sociales et le désengagement de l’État, selon les théories de Friedmann et de Hayek. Mais qui sont à présent débordés sur leur droite par des libertariens rejetant eux complétement l’intervention de l’État, vu comme une institution coercitive. Tels Musk et consorts qui veulent un état absent, toute la liberté possible, avec un seul mantra : tout pour la propriété privée. De quoi faire saliver notre Bernard Arnault national qui couine de rage à l’idée de voir ses impôts – forts modestes – augmenter !
Au moment où la Planète souffre des excès de ses habitants, de leur activité frénétique se traduisant par une chute de la biodiversité, une modification des climats, une pollution polymorphe, de fantastiques inégalités sociales et financières, voilà le Monde en butte à l’action délétère de gouvernants qui n’ont strictement rien à faire de ces problématiques pourtant largement existentielles pour l’espèce humaine. Ennemis de la solidarité entre les Hommes et les Peuples, ils les divisent à plaisir pour mieux les soumettre.
Et l’Europe me direz-vous ? Après des années de laisser-aller jouisseur, de dissensions chroniques, de stériles guerres de clochers, de torpeur satisfaite, elle parait bien démunie et prise de cours par ces prédateurs voyous. Elle se voit bousculée, marginalisée par des dictateurs qui la tiennent pour quantité négligeable. Il faut reconnaitre qu’elle l’a bien cherché. Si elle doit se ressaisir, exister, agir suivant ses valeurs et ses principes, c’est maintenant et tout de suite qu’elle doit le faire, sans attendre et avec fermeté face à ces gens manieurs d’esbrouffe et qui ne comprennent qu’un langage : celui de la force.
Elle en a les moyens. Mais le veut-elle ?
Jacques Lavergne, le 15 février 2025.
L'Éditorial du 8 février 2025
«PIRATES DES AMÉRIQUES»
Il est partout. L’on ne peut plus ouvrir un journal, écouter une radio, regarder une émission de TV, se brancher sur un réseau social, sans être immédiatement littéralement inondé des dernières pensées, des dernières décisions, de l’ultime décret de celui qui se prend pour le maître du monde, du nouveau Lider Maximo, du démembreur de l’État américain, du phare de la Pensée occidentale, du rouleau compresseur de la « fake news », qui se mêle de tout et de rien sur cette planète, j’ai nommé le Président Trump. Hier soir, au moment de me coucher, j’ai même regardé sous mon lit afin de m’assurer qu’il n’y était pas. Pour paraphraser le regretté Coluche, il n’est pas sympa Donald, « il a des idées sur tout, il a surtout des idées ». Et l’art d’instaurer la chienlit dans les rares endroits où elle n’existait pas, tout en exacerbant les multiples divisions du Monde.
Certes, depuis 1967 et Guy Debord, nous savons que nous vivons dans une société où le spectacle est roi même si les acteurs sont mauvais, où tout n’est que communication, posture et saturation médiatique. Mais là, quand même, il faut le dire haut et fort, cela commence à bien faire. Pour l’énoncer franchement et en bon français, il commence sérieusement à nous « emmerder » le Trump. Mais comme le disait Belmondo (100 000 dollars au soleil, 1964, dialogues d’Audiard) « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent »
Cependant, tout bien considéré, nous, l’Europe, les 130 kilos nous les faisons plus que largement. Pour autant pas sûr que nous parlions d’une seule voix, que nous fassions taire nos stupides et stériles guerres de clocher, que nos politiques se mettent au service de nos intérêts et pas du leur ou de celui de leurs étroites et souvent dépassées petites idéologies. Nous ne sommes pas arrivés, me direz-vous. Sauf que là, l’Europe tient une belle motivation, et peut-être un jour, si nous savons nous y prendre, dirons-nous merci à ce personnage sulfureux, hâbleur et provocateur. Et dangereux, car contrairement à ce que certains pensent, il n’est ni irrationnel ni vraiment imprévisible. Peut-être sur la forme mais pas sur le fond.
Il représente un courant de pensée économique déjà ancien mais qui retrouve aujourd’hui une vigueur et une audace avivée par les désordres politiques, sociaux, économiques et environnementaux qui fragilisent le Monde. Il n’est que de relire par exemple La route de la servitude, livre paru en 1944 sous la plume du philosophe et économiste Friedrich Hayek pour s’en convaincre. Hayek créera en 1947 la fameuse société du Mont-Pèlerin vouée à diffuser les idées libérales critiques du planisme, du keynésianisme et de l’intervention de l’État. Une vision de la société qui a prospéré de nos jours, portée entre beaucoup d’autres par un certain Peter Thiel (milliardaire et fondateur de PayPal, associé de Facebook) lui aussi néolibéral assumé, qui a écrit : « Je ne crois plus que la liberté et la démocratie soient compatibles » et « La mission des libertariens est de trouver un moyen d’échapper à la politique sous toutes ses formes ».
Libertarien, voilà un vocable qui, en passant par Milton Friedmann l’un des plus célèbres économistes du XXème siècle (ou son petit-fils Patri, auteur de « La démocratie n’est pas la solution, elle n’est que la norme actuelle du secteur ») nous ramène à Musk, pour l’instant financeur de Trump, grand bénéficiaire des fonds publics US, et inspirateur – jusqu’à quand ? - du nouveau Président américain. Ou à Stephen Moore, conseiller économique de celui-ci : « Le capitalisme est bien plus important que la démocratie. Je ne suis moi-même pas un fervent adepte de la démocratie ». Tous gens porteurs d’une idée répandue dans les droites contemporaines : celle que le capitalisme peut exister sans la démocratie. Nous vivons un « présent tourmenté, où l’idée du public et du commun fait office de repoussoir pour certains » Quinn Slobodian (Le capitalisme de l’Apocalypse, éditions du Seuil)
Le rêve de tous ces gens est d’être libérés de toutes réglementations, taxations, obligations, impôts, devoir de solidarité envers les plus démunis, du pouvoir des gouvernements, du contrôle démocratique. Et avoir la latitude de faire librement ce qu’ils veulent, c’est-à-dire de l’argent, toujours plus d’argent, quel qu’en soit le prix payé par leurs contemporains, le vivant et la Planète. Menaçant peut-être même ce faisant la survie de l’espèce, de celle de cet homo sapiens à l’avenir déjà bien sombre.
Ces libertariens sans vergogne, ces milliardaires décomplexés et leur rêve de capitalisme débridé et sans entrave représentent à l’évidence un danger existentiel.
Est-ce cela que nous voulons ?
Jacques Lavergne / Esprit Occitanie / 7 février 2025
Jacques Lavergne / 19-01-25 / Radio web Esprit Occitanie
L'Éditorial du 31 janvier 2025
«LE BAL DES FAUX-CULS»
Il est piquant de constater qu’il y a quelques semaines tout le monde s’accordait à considérer Trump comme un dangereux hurluberlu, hâbleur, irrationnel, roi des rodomontades, dont l’élection sonnerait le début de difficultés innombrables pour l’ensemble de la planète. Le bon sens et la raison en conduisaient beaucoup à espérer sa défaite à la présidentielle américaine. Las, ce fut l’inverse qui se produisit. Et sans attendre le show du nouveau Président commença, tel qu’annoncé. Bien conforté par quelques apparatchiks milliardaires uniquement préoccupés d’accroitre leurs bénéfices et leurs dividendes (singulièrement avec l’argent public), et prêts pour cela à toutes les plus basses compromissions.
Immigrés, réguliers ou non, furent pourchassés ; les États-Unis annoncèrent leur retrait de l’OMS, puis de l’accord de Paris sur le climat ; des agences gouvernementales œuvrant dans la protection de la nature, et dans celle des plus pauvres et défavorisés, furent priées de se saborder ; l’administration dans son ensemble se devait d’être dégraissée et réduite à sa plus simple expression ; les règles et les normes allaient ou disparaitre ou être réduites à leur plus simple expression ; on allait allégrement bafouer le droit (notamment international) et les frontières.
Bref, c’était le retour du plus fort, du plus cynique, du plus menteur, de la prédation sans retenue, du populisme de bas étage, du virilisme rance, du chantage éhonté, du roi argent, avec un seul mot d’ordre « tout pour moi, rien pour les autres ». La ploutocratie absolue et absolument décomplexée ! (Du grec ploutos : dieu de la richesse et kratos : pouvoir, consistant en un système de gouvernement où la richesse constitue la base principale ...). Tout cela sous le regard énamouré de quelques représentants de l’extrême droite française et de notre milliardaire à nous, Bernard Arnaud, tous béats d’admiration et humides de désir ! Enfin un chef qui va mettre au pas tous ces empêcheurs de polluer la planète, d’empoisonner leurs contemporains, de gagner leur sacro-saint fric sur le dos des plus démunis et des plus faibles que l’on va pouvoir instrumentaliser jusqu’à plus soif…
On aurait pu penser que ce programme allait déclencher des réactions effarées, du rejet, des critiques virulentes, au moins en Europe. Certes il y en a eu mais finalement, beaucoup notamment à droite, ont trouvé là un programme ô combien séduisant et se sont engouffrés dans la brèche ouverte par Trump. Il nous fallait à notre tour nous lâcher, supprimer normes et réglementations, et laisser s’exprimer le néolibéralisme pur et dur. De même, tous ceux qui pouvant pourrir encore plus la planète, la polluer sans considération aucune ni pour l’avenir de nos enfants ni pour la santé publique, affaiblir la biodiversité, pratiquer la politique du court termisme et « d’après moi le déluge », se sentent aujourd’hui pousser des ailes. La droite française (notamment celle siégeant au Sénat), l’extrême droite bien évidemment, sont instantanément devenues totalement décomplexées. Même Bernard Arnaud, oubliant pudeur et retenue, plaide pour qu’impôts et taxes ne soient surtout pas augmentés. Un comble, la ploutocratie absolue on vous dit ! Les agences qui accomplissent un fantastique travail avec des moyens réduits, telles l’ADEME, L’ANSES, l’OFB et quelques autres, sont clouées au pilori, Premier Ministre bien mal inspiré en tête. Quand aux gauches diverses et variées, elles demeurent pour l’instant d’une discrétion de violette !
Voltaire l’avait écrit : « Faire l’homme c’est exercer la raison. C’est la meilleure part de lui-même. Un animal doté de raison a un combat à mener contre les rêveries, les illusions, la coutume. »
Mais l’homo sapiens est-il encore aujourd’hui en capacité de « faire l’homme » ?
Jacques Lavergne , le 31 janvier 2025.
Jacques Lavergne / 19-01-25 / Radio web Esprit Occitanie
L'Éditorial du 19 janvier 2025
« Tout ça pour ça ! »
Des milliers d’années où des humanités ont bégayé sur cette planète, tentant lentement, progressivement, souvent dans la douleur et les difficultés de tous ordres, de progresser, d’acquérir une vie meilleure, matériellement bien sûr mais aussi culturellement et spirituellement. Tout en peuplant toutes les parties de cette planète, même les plus inaccessibles, grâce à une volonté farouche, au prix d’efforts colossaux, de souffrances indescriptibles et de surprenantes adaptations génétiques.
Des centaines d’années consacrées à élaborer des civilisations de plus en plus complexes, mues par des règles, des traditions, des croyances, des valeurs, des techniques, toutes plus sophistiquées les unes que les autres au fil du temps. Des civilisations qui ont eu des côtés brillants intellectuellement, des fulgurances créatives, des avancées inventives indéniables ; mais aussi des faces sombres faites de colonisation, d’intolérance, de domination, d’exploitation, de violence.
Des dizaines d’années qui ont vu se produire une explosion technique, scientifique, médicale, mais aussi démographique. Une amélioration globale de la vie des hommes, ou du moins de ceux d’entre eux qui étaient nés sous la bonne latitude, avec la couleur de peau qui allait bien, qui acceptaient de jouer le jeu du système politique et économique dominant dans lequel ils vivaient. Mais pour une grande partie de l’Humanité, la vie était globalement meilleure sinon confortable. Assez en tout cas pour espérer que l’ensemble de ces bienfaits, réels ou supposés, s’étendraient à l’ensemble de la planète ; pour rêver que demain serait meilleur que hier et moins bon qu’après-demain.
Et puis, progressivement, lentement, trop lentement, la doute s’est insinué. A l’évidence, nous ne pouvions parvenir à ces lendemains prometteurs si l’on continuait à dégrader les conditions physiques qui avaient permis à la vie d’apparaitre et de se développer sur Terre. Si la violence entre les individus et les conflits armés entre Etats ne revenait pas à son niveau le plus bas. Si les disparités sociales, patrimoniales, économiques persistaient à demeurer aussi profondes. Si un sentiment d’appartenance à une même communauté - celle des « homo sapiens » – et donc la nécessaire solidarité entre ses membres, ne présidait pas à leurs rapports.
Nous étions à un instant où tout était possible, le meilleur comme le pire. Un moment qui nécessitait pour que le premier advienne que les « commandes » du Monde soient confiées à des femmes et hommes instruits, cultivés, puissamment cortiqués. Et capables de nous convaincre d’adopter les bonnes pratiques de nature à nous permettre de sauver ce qui pourrait encore l’être. Las, que croyez-vous qu’il se passât ? Ce furent les hommes violents, agressifs, sans culture ni valeurs élevées, pour qui la force constitue la qualité suprême, qui furent portés au pouvoir ou qui le prirent par la ruse, la violence, l’aide de technologies liberticides, le soutien de financiers voyous et intéressés. Et bien sûr en s’appuyant sur des masses bêlantes de populistes prêts à gober, à colporter n’importe quelles foutaises même les plus énormes, servies par ceux qui les manipulent sans vergogne. « Ceux qui peuvent vous faire croire en des absurdités pourront vous faire commettre des atrocités » Voltaire.
Nous y sommes. Désormais, malheur aux faibles, aux déracinés, aux pauvres, aux exclus, aux opposants, aux intellectuels, aux basanés, aux sexualités minoritaires, aux démocrates et plus globalement à ceux qui ne veulent pas s’abaisser à soutenir des thèses imbéciles et humainement avilissantes. Place aux Poutine, Trump, Musk, Maduro, Le Pen, Zuckerberg, Orban, XI, Bolsonaro, et leurs hélas innombrables pareils car la liste est loin d’être exhaustive. Sans oublier bien sûr les barbus fous de dieu.
L’Europe et quelques autres pays partageant les mêmes valeurs pourraient être un havre de paix, un refuge, un îlot de résistance et montrer de toutes autres directions et pratiques. Encore faudrait-il que leurs dirigeants fassent montre d’un peu moins de pusillanimité et d’un peu plus de courage politique. Et que leurs électeurs se dessillent, s’intéressent à ce qui se passe hors de leurs frontières, et s’adonnent au réalisme. Nous rentrons dans une phase complexe, délicate, voire dangereuse. Les choses vont aller très vite. L’alliance du populisme et de la manipulation, du pouvoir décomplexé et déshumanisé, de l’excellence technologique et de l’argent, pourrait bien produire un résultat explosif. L’âge de la régression nous guette, celui de la prédominance du crétin aussi !
Sommes-nous prêts ?
Jacques Lavergne / 19-01-25 / Radio web Esprit Occitanie
L'Éditorial du 4 janvier 2025
« L’Europe entre le marteau et l’enclume
L‘Europe a aujourd’hui impérativement besoin d’être forte et unie, ce que malheureusement elle n’est pas. Celui que l’on appelait son « moteur », le couple franco-allemand, est à l’arrêt depuis bien longtemps. Les différences d’approches sur moult problèmes entre les deux pays, les erreurs commises par leurs dirigeants – Scholz et Macron – qui en font aujourd’hui des responsables politiques sans force ni crédibilité, leurs économies à la peine, ont contribué à fragiliser voire à casser une mécanique qui avait fait ses preuves. Au surplus, certains pays, pas forcément les plus importants mais quand même, tels la Hongrie et son dirigeant populiste Orban ou la Slovaquie de Fico, jouent ouvertement la carte de la Russie.
Une Russie dirigée par un criminel de guerre dont l’armée massacre des civils, enlève des enfants, utilise des armes chimiques ou le viol comme arme de guerre, bombarde et détruit des villes entières et des installations de première nécessité au mépris des conventions internationales. Et fait massacrer des centaines de milliers de ses compatriotes. Un pays qui commence à ressentir durement les effets de cette guerre qu’il a lui-même déclenchée : les signes d’une brusque dégradation de la situation économique se multiplient. Les sanctions occidentales commencent à produire leurs effets. La stagflation menace, l’inflation est plus de 9 %, la hausse des prix est plus de deux fois ce qu’avait prévu le Kremlin. De ce fait la banque centrale a été contrainte d’augmenter son taux directeur à 21 %, et conséquemment les taux des banques frôlent les 30 % alors que le rouble plonge.
Est-ce pour autant suffisant pour que Poutine mette un terme aux hostilités ? Pas vraiment si l’on en croit un diplomate en poste en Europe de l’est, cité par le Canard Enchainé : « Tout comme Netanyahou à Gaza, Poutine n’a peut-être pas intérêt à une paix qui le mettrait, sur le plan intérieur, face aux conséquences de son « opération spéciale ». En particulier le nombre faramineux de morts ». Cette guerre qui sévit aux portes de l’Europe est peut-être loin de s’achever même si agresseur et agressé n’en peuvent plus. Ce criminel qui la menace représente toujours un risque sérieux et l’Europe pourrait bien se mordre les doigts de ses atermoiements, de son indolence et de son impuissance à armer l’Ukraine.
De l’autre côté de l’Atlantique, la situation bien que radicalement différente n’engendre pas non plus l’optimisme. L’élection d’un personnage aussi fantasque que Trump, irrationnel, n’écoutant ni ses conseillers ni personne si ce ne sont ses préjugés souvent douteux, introduit une multitude d’inconnues qui rendent l’avenir à tous niveaux plus qu’incertain, sinon inquiétant. Enfin si, il écoute quelqu’un, pour l’instant (et jusqu’à quand ?) mais il n’est pas certain (euphémisme !) que ce soit la meilleure des choses pour l’Europe : Musk. Lequel ne sera pas l’homme qui ne le modérera ni ne le mettra sur la voie de la sagesse, ou celle de la raison et de l’équilibre. Surtout dans la mesure où cet Elon Musk se révèle être un boute-feu de la pire espèce.
Il fait aujourd’hui le sale boulot pour le compte de Trump en ciblant, notamment grâce à son réseau social, de préférence les dirigeants-sociaux-démocrates, tel Olaf Scholz et le Président de la République fédéral d’allemagne, Frank-Walter Steinmeier qualifié de « tyran antidémocratique ». Ou le travailliste Keir Starmer, premier ministre britannique accusé d’avoir étouffé une vaste et sordide affaire de viols de mineures perpétrés par des gangs d’émigrés pakistanais ! Et surtout en menant une offensive antidémocratique et antieuropéenne d’une grande virulence, une tentative de déstabilisation et de dénigrement inédite à ce jour. Offensive qui se concrétise par exemple par des appels aux électeurs allemands à voter pour le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland aux législatives du 23 février ; ou bien en réclamant de nouvelles élections au Royaume-Uni en offrant de financer certains partis populistes proches de la droite extrême. Mesdames Le Pen et Meloni doivent en frétiller d’aise. Poutine ne fait pas mieux.
Situation ahurissante qui voit un homme d’affaires, ne possédant même pas la nationalité américaine, prendre des initiatives politiques internationales qui ne sont ni plus ni moins que de l’ingérence grossière, avec la bénédiction du Président élu des Etats Unis, par ailleurs condamné par la justice pénale de son pays ! Au surplus un chef d’entreprise enrichi par les contrats publics et qui a financé l’élection de ce dernier à hauteur d’un quart de milliards de dollars. Bref le conflit d’intérêt est patent. Cet étrange attelage constitue une menace directe pour l’Union Européenne et pour les démocraties qui la composent. (Mais ils étaient invités par Macron à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame !)
Il est certainement temps de paraphraser Philippe le Hardi lorsqu’il interpellait son père, le roi de France Jean Le Bon : Europe, gardez à vous à l’est. Europe, gardez-vous à l’ouest !
Jacques Lavergne / 04-01-25 / Radio web Esprit Occitanie
'Éditorial du 24 décembre 2024
«Triste lassitude
Emmanuel Macron, malgré ses tentatives d’exister encore et de promouvoir des affidés, n’a plus la main depuis longtemps, son pouvoir politique se réduit comme peau de chagrin. A preuve, plusieurs défaites électorales dont il n’a tiré aucun enseignement, une dissolution aux conséquences encore incalculables mais à l’évidence catastrophiques, et le fait de s’être fait imposer successivement deux premiers ministres dont à l’évidence il ne voulait pas. Le crépuscule d’une fin de règne pour un homme qui se prend pour un génie, aujourd’hui incompris pense-t-il, et qui a échoué sur tout. Sauf malheureusement à affaiblir considérablement le pays et à achever de le ruiner financièrement. Mais que nous sommes condamnés à conserver à l’Elysée sauf à voir s’opposer dans une élection présidentielle anticipée la peste et le choléra, Mélenchon et Le Pen.
Contraint et forcé, le Président de la République s’est résigné à désigner François Bayrou pour occuper Matignon. Il aurait bien évident préféré nommer une femme ou un homme sur qui il aurait eu barre, afin de poursuivre à travers elle ou lui la désastreuse politique – notamment économique - qu’il a menée jusqu’à ces derniers mois. Ce qui démontre bien que, soit il n’a pas compris le message des urnes penchant sensiblement à gauche, soit il s’en moque estimant détenir la Vérité sur la piétaille incapable d’apprécier ses mérites et sa vision supérieure. Dans tous les cas, la démocratie est bafouée, le clan des abstentionnistes renforcé et l’instabilité politique devenue dangereusement chronique.
Nous avons donc un nouveau premier ministre, le quatrième en quelques mois. Certains font du neuf avec du vieux ; François Bayrou, lui, a choisi de carrément de faire du vieux avec du vieux. Au surplus en cédant aux oukases de Le Pen qui ne voulait pas entendre parler de certaines personnalités tel Xavier Bertrand, lequel l’a combattue sans faiblesse. Bref, le nouveau premier ministre fait du Barnier bis : on sait où cela a mené ce dernier. Les premiers pas de Bayrou dans ce poste éminent paraissent bien timides et déjà jalonnés de quelques erreurs de communication. Son équipe qui devait être marquée du sceau de l’ouverture et d’un élargissement de son socle politique, ne l’est en rien et ne le met nullement à l’abri de la censure. Ce n’est pas en s’appuyant sur ceux qui étaient et sont le problème que l’on parviendra à la solution permettant de sortir la France du fossé dans lequel elle est enlisée.
Surtout, une personnalité, quelque soit sa couleur politique, aussi déterminée voire brillante soit-elle, se heurtera toujours au problème que constitue une Assemblée divisée et de laquelle aucune majorité ne peut émerger. Et ce d’autant moins que les parlementaires s’arcboutent sur leurs positions étroites et sectaires, aucun ne voulant lâcher une parcelle de ses convictions ni faire la moindre concession sur quoique ce soit. Une Assemblée encore à l’abri d’une nouvelle dissolution pendant quelques mois. Si les représentants de certains pays savent nouer des alliances, même ponctuelles, et faire des concessions, des compromis, afin de faire avancer leur cause nationale, il est évident que nos moeurs politiques ne sont pas aussi évoluées.
Et que notre personnel politique comprend surtout de petits politiciens à courte vue, totalement déconnectés des réalités du pays et même de la Planète, au service d’appareils politiques étroits et dépassés, des élus qui sont tout sauf des Femmes et des Hommes d’État. La France n’est plus dirigée, ceux qui seraient en charge de le faire croient certainement que nous sommes sur un île, intouchables car bien à l’abri des vicissitudes d’un monde devenu violent, incertain, avec une guerre à nos portes. Cécité irresponsable que nous risquons de payer cher. Les Français le savent, le sentent, ils épargnent, les entreprises demeurent dans l’expectative différant les décisions essentielles. Cette conjoncture affaiblit la demande intérieure en ralentissant consommation et investissement, moteurs de la croissance. Nous sommes toujours sans budget, notre déficit public s’accroit, notre dette aussi qui dépasse les 3 300 milliards d’euros. La perte de confiance des investisseurs est évidente comme le montre la baisse de la note de la France par les agences de notation, conduisant à une augmentation du coût de la dette.
Voilà où nous a conduit la politique du Président Macron et des ses amis, lesquels s’accrochent au pouvoir contre vents et marées : François Bayrou et bon nombre de ses ministres en sont l’exemple. Ce vieux monde qui devait disparaître est là, tenant fermement les rênes du pouvoir : après nous avoir mené dans une impasse, ruiné et fait le lit des extrêmes, affaibli démocratie, finances et services publics, nos dirigeants continuent à jouer avec l’avenir des Français qui assistent à leur triste et stérile parade impuissants, fatigués, incrédules devant tant de suffisance et d’impudeur tranquille, peut-être résignés.
Jusqu’à quand ?
Jacques Lavergne / 24-12-24 / Radio web Esprit Occitanie
L'Éditorial du 19 octobre 2024
« TOUT BAIGNE…
Le sud de la France vient de connaître des épisodes de prélèvement considérables avec des cumuls pouvant atteindre localement 600 à 700 mm, dont environ 500 mm en moyenne sur quarante-huit heures. C'est exceptionnel. Ce qui l'est aussi c'est l'étendue des territoires touchés par le phénomène : trente-trois départements placés en vigilance orange pour des pluies et des inondations et six en vigilance rouge. En plus, dans certains départements de la moitié nord de la France, on attend entre 30 et 50 mm de prélèvement sur des sols déjà gorgés d'eau en raison du passage récent de la tempête Kirk.
Depuis quelques mois nous assistons à une recrudescence de ces phénomènes : voir par exemple les inondations exceptionnelles en vallée d'Aspe, ou la crue en Isère qui avait ravagé la Bérarde. La France n'est pas le seul pays touché, une partie de l'Europe centrale l'a été aussi. Rien d'étonnant à cela : comme le dise les spécialistes (lire l'entretien donné par le climatologue Aurélien Ribes à Audrey Garric du Monde), « cette série interpelle mais elle est cohérente avec le tableau clinique du changement climatique ». Ce dernier augmente les températures, de ce fait l'air contient davantage de vapeurs d'eau, d'où des épisodes de fortes, fréquentes et plus intenses. Il faut s'y préparer, les émissions de gaz à effet de serre émis par l'activité humaine entraîneront des épisodes de ce type, toujours plus violents.
Tout baigne…
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