
16 février 2025
L'Éditorial du 15 février 2025
«LE YALTA DES VOYOUS
Du 4 au 11 février 1945, Winston Churchill, Joseph Staline et Franklin D. Roosevelt se réunissent à Yalta, au bord de la mer Noire, en Crimée, afin de régler les problèmes posés par la défaite inéluctable des Allemands.
Aujourd’hui nous assistons à un phénomène similaire, une réunion certes moins formelle mais destinée à remodeler le monde en profondeur, avec des acteurs et une philosophie politique bien différente.
Des politiques qui n’en ont que le nom et sont en réalité de dangereux prédateurs, jugez-en :
· Poutine, un gangster parvenu au sommet du pouvoir, qui a éliminé physiquement ceux qui auraient pu entraver sa marche vers le poste suprême ; qui a muselé une population de 144 millions d’individus, dont il a fait tuer quelques centaines de milliers dans une guerre inique et sans fondement ; qui a mis le pays en coupe réglée économique en mettant la main sur toutes les richesses du pays, notamment le gaz et le pétrole, plaçant à la tête des compagnies nationales des complices à lui, appelés oligarques. Une mafia pure et simple. A surtout ne pas manquer sur ARTE la série documentaire de Jérôme Fritel et Marc Roche Oligarques, le gang de Poutine ; fouillée, documentée, précise, aussi instructive qu’inquiétante.
· Trump, que seule son élection a sauvé de la justice américaine, imprévisible, irrationnel, humainement méprisant, à l’évidence d’une grande inculture, affichant un programme extrême droitier à base de déclarations floues faites à l’emporte-pièce ; qui s’entoure d’individus fantasques et pour certains notoirement incompétents ; qui se prend pour le roi de la planète en se mêlant de tout ce qui s’y passe avec le projet d’y imposer ses vues ; qui entend instaurer avec tous les pays, amis ou concurrents, des rapports de force pour les soumettre à ses volontés ; qui veut démanteler les institutions de son pays afin qu’il n'y ait plus aucun frein au capitalisme débridé qu’il appelle de ses vœux ; et qui est entouré de chefs d’entreprises séduit par ce programme leur donnant carte blanche, pas encore vraiment des oligarques mais qui en prennent le chemin avec beaucoup d’enthousiasme.
Deux individus dont le seul but est de confisquer le pouvoir au service de leurs intérêts et qui vont s’entendre sur le dos de la Planète afin de mieux les servir. Lesquels passent pour l’un par un affaiblissement de la démocratie (Trump) et pour les deux par la brutalité, le bluff, l’organisation du désordre mondial, la prédation des ressources naturelles et humaines, le mépris pour la chose publique et le droit international, l’irresponsabilité, le déni des réalités, le courtermisme, l’indifférence aux souffrances des plus démunis. Des néolibéralistes mettant en avant la politique de l’offre, centrée sur les entreprises, la réduction drastique des dépenses sociales et le désengagement de l’État, selon les théories de Friedmann et de Hayek. Mais qui sont à présent débordés sur leur droite par des libertariens rejetant eux complétement l’intervention de l’État, vu comme une institution coercitive. Tels Musk et consorts qui veulent un état absent, toute la liberté possible, avec un seul mantra : tout pour la propriété privée. De quoi faire saliver notre Bernard Arnault national qui couine de rage à l’idée de voir ses impôts – forts modestes – augmenter !
Au moment où la Planète souffre des excès de ses habitants, de leur activité frénétique se traduisant par une chute de la biodiversité, une modification des climats, une pollution polymorphe, de fantastiques inégalités sociales et financières, voilà le Monde en butte à l’action délétère de gouvernants qui n’ont strictement rien à faire de ces problématiques pourtant largement existentielles pour l’espèce humaine. Ennemis de la solidarité entre les Hommes et les Peuples, ils les divisent à plaisir pour mieux les soumettre.
Et l’Europe me direz-vous ? Après des années de laisser-aller jouisseur, de dissensions chroniques, de stériles guerres de clochers, de torpeur satisfaite, elle parait bien démunie et prise de cours par ces prédateurs voyous. Elle se voit bousculée, marginalisée par des dictateurs qui la tiennent pour quantité négligeable. Il faut reconnaitre qu’elle l’a bien cherché. Si elle doit se ressaisir, exister, agir suivant ses valeurs et ses principes, c’est maintenant et tout de suite qu’elle doit le faire, sans attendre et avec fermeté face à ces gens manieurs d’esbrouffe et qui ne comprennent qu’un langage : celui de la force.
Elle en a les moyens. Mais le veut-elle ?
Jacques Lavergne, le 15 février 2025.
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