08 novembre 2025
L'Éditorial du 08 novembre 2025
« LE MERCOSUR ? BIEN SÛR… !
Cela fait trente ans que l’UE négocie de façon spasmodique ou plutôt ergote avec cet accord du Mercosur. Durant ces quelques dizaines d’années, le monde a plusieurs fois changé de physionomie. Il fut un temps où les critiques contre cet accord, et également contre celui du CETA (avec le Canada), étaient tout à fait justifiées. Mais la « mondialisation heureuse » a avortée. La position libre échangiste de l’Europe a d’ailleurs beaucoup contribué à développer le sentiment d’Euroscepticisme et la montée en puissance des extrêmes droites. Mais ce libre échangisme est mort, nous nous acheminons plutôt vers une fermeture des frontières commerciales.
L’UE a considérablement évoluée, elle a pris des mesures, en grande partie sous la pression des opinions publiques : renforcement des contrôles des investissements étrangers, élaboration d’une politique industrielle européenne, taxe minimale des entreprises multinationales, obligation pour les sous-traitants répartis dans le monde de respecter les droits humains fondamentaux, les normes sociales et environnementales de base. De quoi se préparer à une sérieuse mutation rendue nécessaire par les évolutions relativement récentes de la géopolitique et de la géoéconomie du monde.
En effet, l’Europe est prise en tenaille entre Trump et Xi (et leur allié Poutine) qui visent à la fois l’affaiblissement de l’Union Européenne et celui de ses régimes démocratiques pour eux insupportables. Une alliance des hommes se croyant forts, assez en tout cas pour imposer aux autres pays une relation de subordination. Il est temps de réagir, de créer d’autres relations transatlantiques, de se rapprocher d’autres pays, de rompre cet isolement naissant de l’UE en butte à des pays hostiles à ses valeurs et à ses intérêts.
Ce qui passe par la correction de ses propres lacunes personnelles (cf. les rapports Letta et Draghi). Mais aussi par des alliances stratégiques avec ces pays improprement nommés du « sud-global ». A commencer par ceux d’Amérique du sud dont nous sommes proches et culturellement et par le niveau de vie, avec qui nous n’avons pas de séquelles de colonialisme. Ils cherchent aussi des alliés, il serait souhaitable que nous soyons ceux-ci plutôt que la Chine. Ils disposent des matières premières essentielles pour assurer notre transition énergétique (lithium, cuivre, terres rares). Autrement dit nous avons tout pour nous entendre et réussir ensemble à nous passer des marchés américains et chinois dont nous sommes trop dépendants et qui vont progressivement se fermer à nos produits.
Les craintes de certains en matière agricole sont largement surestimées, voire confinent à la mauvaise foi. Beaucoup de nos exportations de produits agroalimentaires vont profiter de cet accord. Les produits importés chez nous devront respecter intégralement les normes européennes (notamment absence d’OGM et de pesticides interdits en Europe), seuls ceux ne provenant pas de zones déforestées pourront rentrer chez nous. La Commission l’a expressément prévu, les contrôles seront renforcés. Elle va mettre en place des mesures de sauvegarde en cas de déstabilisation européenne si l’accroissement des importations du Mercosur est trop rapide. Les quantités de biens importés bénéficiant de faible droits de douane seront très réduites : 1,5 % de la production européenne de bœuf, 1,3 % de celle de volailles !
Alors comme on peut le lire dans l’excellente revue le Grand Continent (1), « le bœuf argentin est-il plus dangereux que la Russie ? ». Bien sûr qu’il faut ratifier au plus vite ce Mercosur devenu aujourd’hui une chance, une opportunité économique et diplomatique ainsi qu’un levier pour la politique extérieure de l’Europe.
Pour la radio-web ESPRIT OCCITANIE / Jacques Lavergne / 8 novembre 2025
(1) Article du 5-11-25 ; Josep Borrel, Guillaume Duval
Tous les éditoriaux : Tous les éditoriaux
Commentaires(0)