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12 novembre 2024

L'Éditorial du 12 novembre 2024

«TRUMP II»

Si vous aimez le monde tel qu’il est aujourd’hui – brutal, violent, conflictuel, dangereux - vous allez adorer celui qui nous est promis avec Trump II.

Nous avons assisté à une campagne électorale américaine où l’un des candidats, par ailleurs poursuivi à plusieurs titres par la justice de son pays, nous a donné un effarant spectacle. Il n’a rien épargné aux électeurs : fake news, discours violent, insultes de bas étage à l’égard de son adversaire, clowneries pitoyables, délires quotidiens, mensonges éhontés, xénophobie ostensible, menaces constantes pour la démocratie. Bien évident pas de débat d’idées dans ce pays si profondément et si irréductiblement partagé entre Républicains et Démocrates, deux partis politiques qui ne regardent pas du tout dans la même direction et ne partagent depuis longtemps absolument plus rien.

Et que croyez-vous qu’il arriva ? Et bien celui qui serait considéré dans notre vieille Europe comme un dangereux agité passablement timbré, a été élu haut la main, les Républicains raflant au passage le Sénat et la Chambre des représentants. Si l’on ajoute la Cour Suprême noyauté par des affidés de Trump, ce dernier ennemi de tous pouvoirs pouvant s’opposer au sien, détient désormais tous les leviers politiques du pouvoir central des Etats-Unis. Une partie du pays rejette tous progrès en dehors de ce qui est blanc, masculin, hétéronormatif. Les Etats Unis sont tombés dans un conservatisme combinant parfois divers contraires : libéralisme économique et isolationnisme, populisme et protection des intérêts des milliardaires, hostilité agissante à l’égard des élites intellectuelles, virilisme adorant la force, déni du changement climatique, rejet du multilatéralisme.

Les milieux populaires animés par un sentiment de relégation et ceux des classes moyennes par celui d’un déclassement ont massivement voté pour Trump. Cette peur du déclin soigneusement exploitée par le candidat populiste est paradoxale. Le pays ne s’est jamais aussi bien porté économiquement : démographie et productivité en hausse, 26 % du PIB mondial en progression de plus d’un point par rapport aux années passées, un revenu moyen annuel par habitant de 81 700 $, très supérieur à celui des Européens. Mais 45 % des américains disent vivre mal. Et pointent du doigt l’immigration, l’inflation, le wokisme. Compte tenu du programme économique de Trump (si tant est que l’on puisse appeler cela ainsi) et de ses intentions affichées, il n’est pas certain que demain sera meilleur !

L’Europe et la France doivent considérer cette situation avec beaucoup de sérieux. D’une part parce qu’elles vont en subir les conséquences à plusieurs niveaux. D’autre part, parce qu’elles pourraient bien vivre le même phénomène, déjà en place dans la Hongrie de l’illibéral Orban, inspirateur de Trump. Les ingrédients existent, notamment en France, où pour ne parler que de lui, le débat d’idées est d’un vide abyssal, seuls comptent en politique des égos pitoyables et des aventures personnelles. La France et l’Europe sont à un tournant délicat à négocier, leur avenir va se jouer dans les mois qui arrivent. Jusque là, comme l’a dit Jean-Louis Bourlanges dans l’émission de Philippe Meyer Le Nouvel Esprit Public, « Nous, on est nuls, divisés surtout et en plus inertes, notamment à l’égard de l’Ukraine ». Et il a parfaitement raison.

La vision européenne de Macron était la bonne mais il n’est plus en état de la défendre, plombé qu’il est par de multiples bourdes et échecs. La parole de la France est inaudible, le pays affaibli par des finances exsangues, à la merci des populistes de l’extrême droite. L’Europe est coincée entre les Etats Unis et la Chine. Elle ne manque pas de ressources, mais pour les exploiter, elle doit retrouver rapidement unité et détermination.

Jacques Lavergne / 12-11-24 / Radio web Esprit Occitanie


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