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15 août 2023

juillet 2023

Une nouvelle rubrique pour vous amis auditeurs afin de profiter de cette pause estivale pour se décrasser les neurones sans se prendre la tête ; une rubrique consacrée à des travaux et articles de fond, renseignés, documentés, abordant les sujets les plus divers ; une rubrique nourrie par nos producteurs-animateurs et nos partenaires qui ont laissé libre cours à leur plume…

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Dans ce premier article qui ouvre notre nouvelle rubrique, directement issu de son mémoire d’études en histoire du droit, Mauricio Faurie, étudiant en Master I Histoire du Droit et des Institutions, nous fait découvrir que l’ostentation et le goût immodéré de certains d’éblouir leurs contemporains par l’étalage de leur train de vie, n’est pas chose nouvelle. Mais contrairement à ce qui se passe de nos jours, époque de laisser-aller jouisseur et débridé, certains dirigeants ont tenté, dans le passé, d’y mettre un frein. Lorsque l’Histoire nous donne des leçons de modernité…

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N°1

L’édit somptuaire du 20 mars 1700 : étude économique, sociale et juridique

«   Plus il y a d’Hommes ensemble, et plus ils sont vains, et sentent naitre en eux l’envie de se signaler par de petites choses ».

Montesquieu, « Livre VII : Conséquences des différents principes des trois gouvernements, par rapport aux lois somptuaires, au luxe et à la condition des femmes », De l’esprit des lois. Éditions Nourse, 1772 (p.118).

Cette citation, tirée de L’esprit des Lois de Montesquieu, illustre ce besoin de se démarquer des autres que chaque être humain ressent au fond de lui. Mais il s’y trouve également une dimension morale : ainsi, ce désir est considéré comme de la vanité, vide de sens, et s’assouvi, ou du moins tend à l’être, par le biais de « petites choses ». Il est possible de considérer ces derniers en tant que simples détails. Mais, en allant plus loin, il est également possible de considérer ces tentatives de signalement comme de vains efforts, avec « petit » au sens de mesquin, de médiocre.

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N°2

Jacques Viguier, notre spécialiste du cinéma et de son histoire, producteur de l’émission Cinéma, Cinéma, profite de ses vacances pour se poser une grave question inhérente à l’avenir de la monarchie anglaise. Humour français à la sauce anglaise...

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Faut-il supprimer la monarchie anglaise ?

ou

Sont-ce les pièces rapportées qui ont toujours semé le trouble ?

            Les Anglais sont un peuple original sous de nombreux aspects. Bon ! Je ne voudrais pas faire du racisme anti-anglais, mais ils sont pour le moins bizarres, voire farfelus. De tout temps ils se sont voulus originaux. Et on ne leur pardonnera jamais d’avoir fait brûler Jeanne d’Arc. On est toujours obligé de débuter par ce cliché. Une fois présenté, on peut passer à quelques remarques sur la monarchie anglaise.

            Comment ne pas évoquer la Reine défunte, qui a battu le record de longévité. Certains Anglais considèrent que la monarchie coute cher au contribuable. Regardez la Souveraine, elle portait un nouveau vêtement et un nouveau chapeau chaque fois qu'elle sortait. Bonjour le budget habillement ! Pourtant sa tenue vestimentaire c’était quand même sa marque. Jaune, rose, bleu, vert, toutes les couleurs flashy y passaient.

            Je pensais autrefois que la Reine d'Angleterre, étant Reine avait, lapalissade, un pouvoir important. Mais c'est faux. Elle n'a qu'un rôle de représentation. Et ce rôle, Élisabeth II l’a parfaitement joué pendant 70 ans et demi. Quelle durée ! Elle est décédée à 96 ans. Il faut dire que sa mère était morte à 101 ans. Élisabeth II a explosé le record de règne détenu par la Reine Victoria, avec, seulement, 63 ans et demi, mais n’a pas réussi à battre le record de Louis XIV, avec 72 ans et demi. Record définitif pour les siècles des siècles …

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    N° 3

Jacques LAVERGNE se penche sur l’avenir de l’intelligence artificielle en s’interrogeant sur le point de savoir si elle-ci servira ou desservira l’humanité ?
Une question que beaucoup commencent apparemment à se poser.
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L’intelligence artificielle, amie ou ennemie de l’Humanité ?

Une question commence à tarauder nos esprits, une question que l’on pourrait résumer ainsi : ne sommes-nous pas en train de jouer les apprentis sorciers en développant toujours plus les techniques d’intelligence artificielle (I.A. dans le présent texte) ; autrement formulée, ces techniques ne représentent-elles pas à terme un risque pour l’Humanité toute entière ?

Ou au contraire les évolutions de l’I.A. sont-elles de nature à rendre meilleur et prometteur l’avenir de celle-ci ?

Posée ainsi, la question présuppose que les évolutions de l’I.A., et donc l’I.A. elle même, seraient au service de l’Humanité. Ce qui est loin d’être avéré comme nous allons le voir ; en cette matière, je fais mienne la phrase d’Albert Einstein « Il est hélas devenu évident que notre technologie a dépassé notre humanité ».

Mais n’anticipons pas.

La question du risque potentiellement lié à l’I.A. revient de façon récurrente : nombreux sont les fantasmes qui courent à propos de ce que l’on nomme aussi pompeusement que de façon erronée, l’intelligence artificielle.

Et l’on sait combien il est important de bien nommer les choses, point sur lequel Camus avait justement insisté dans ses écrits en 1944. Les bien nommer veut d’abord dire, bien les définir. Mêler l’intelligence à cette affaire confère à cette I.A. un caractère ambigu voire trompeur. Plutôt que de parler d’intelligence artificielle, mieux vaudrait user du terme de « technologies d’intelligence artificielle ».

Car qu’est ce que l’intelligence ? On pourrait la définir comme l’ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle par opposition à la sensation et à l’intuition.

Dans L’Evolution Créatrice, Bergson nous explique que « l’intelligence est caractérisée par la puissance indéfinie de décomposer selon n’importe quelle loi et de recomposer suivant n’importe quel système ». Ajoutant plus loin qu’il s’agit de « l’aptitude de l’être vivant à s’adapter aux situations nouvelles, à découvrir des solutions aux difficultés qu’il rencontre, à fabriquer des objets artificiels ».

Nous y voilà…

Et si l’on va voir vers Auguste Comte, celui-ci nous dit dans son ouvrage « Philosophie Positive » : « L’intelligence de l’homme consiste surtout dans son aptitude à modifier sa conduite conformément aux circonstances de chaque cas, ce qui constitue le principal attribut pratique de la raison».

Difficile donc à la lumière de ces définitions de considérer que nos machines en question sont aptes à produire de l’intelligence. Ce terme peut d’ailleurs désigner deux réalités.

La première, bien sûr c’est l’esprit, tel qu’il a été conçu par la tradition philosophique, on vient de le voir.

La seconde, née au XIXème siècle, veut que l’intelligence en soit venue à désigner nos différentes facultés de connaissance. Et dans le sujet qui nous occupe aujourd’hui, c’est bien de cette seconde catégorie qu’il s’agit et que les informaticiens essaient de modéliser pour affiner leurs programmes.

Alors pour en finir avec la délicate question de la définition, peut-être pourrions-nous retenir celle de l’intelligence artificielle donnée par le regretté linguiste Alain Rey dans son « Dictionnaire culturel de la langue française » : « un ensemble de théories et de techniques visant à simuler par des programmes informatiques, certains traits de l’intelligence humaine, tels le raisonnement, l’apprentissage, la prise de décision… »

Nous parlons donc finalement de robots qui peuvent donner l’illusion de la vie ou de l’intelligence, mais cela ne restera qu’une illusion même si les progrès accomplis ces dernières années sont assez bluffants. Cela étant, soulignons que les robots existent depuis belle lurette, pensez par exemple au Golem conçu par le Rabbi Loew au 16ème siècle pour défendre la communauté juive de Prague décimée par des pogroms. Ou même à Blaise Pascal dont nous fêtons en cette année 2023 le 400ème anniversaire de la naissance.

Pascal a été un pionnier de informatique puisqu’il avait inventé la première machine à calculer. Déjà à l’époque, l’on se posait les mêmes questions qu’aujourd’hui, sous forme de cette sempiternelle lamentation : mon dieu, mon dieu, nous jouons à l’apprenti sorcier, un jour les machines vont prendre le pouvoir et nous asservir !!! De sa machine, Pascal avait conclu qu’elle était capable de faire plus de choses qu’un animal. Mais il ajoutait : « elle ne fait rien qui puisse faire dire qu’elle a de la volonté comme les animaux ».

Et bien, c’est toujours vrai aujourd’hui : nos modernes et surpuissants ordinateurs n’ont aucune volonté propre, et ce n’est pas le développement de microprocesseurs toujours plus complexes et rapides qui changera les choses : l’intelligence ne peut pas se résumer à une fréquence de calcul ! De ce côté donc, pas de souci ; et puis, si les robots veulent prendre le pouvoir, il nous sera toujours loisible de débrancher la prise…

Ce qui nous rappelle que ce vaste ensemble de machines numériques ne fonctionne qu’au prix d’une débauche considérable d’énergie et d’eau, tout en dégageant des masses de CO2 qui obèrent la survie de nos civilisations. Jusqu’à quand laissera-t-on ce système perdurer ? Peut-être qu’un avenir empreint d’une nécessaire sobriété – acceptée ou subie - réglera la question que nous nous posons aujourd’hui.

Alors, allez-vous me dire, excepté ce dernier point – une broutille pour certains inconscients - tout est parfait dans le meilleur des mondes et nous pouvons répondre par la négative à la question qui nous est posée, l’I.A. ne nous menace en rien. Et bien pas du tout et ce serait même le contraire car les évolutions rapides de nos technologies font courir beaucoup de risques à l’humanité tout entière. Non pas que les robots présentent en eux-mêmes des risques exceptionnels : une machine est sans passion et sans états d’âme.

La principale inquiétude vient – comme toujours, et de tous temps – de l’Homme et de l’utilisation qu’il fera, qu’il fait même déjà, des machines qu’il invente. Ce qui nous renvoie irrésistiblement vers  l’auteur de 1984, Georges Orwell lorsqu’il écrivait « »Quand on me présente quelque chose comme un progrès, je me demande avant tout s’il nous rend plus humains ou moins humains ».  Alors justement, lorsque je dis plus haut « de l’homme », je devrais plutôt dire de certains hommes. Je ne crois pas que nos amis chinois goûtent avec délice la dilection du dictateur Xi Jin Ping pour tous ces outils qui lui permettent de contrôler sa population, de la tenir en laisse, en un mot de l’asservir à sa vision si particulière du monde et de ce que doit être à ses yeux le fonctionnement de son pays.

Un exemple parmi tant d’autres mais qui fait froid dans le dos lorsque l’on voit la montée d’idéologies extrêmes, le goût de certains pour les hommes à poigne et les régimes musclés qui les rassurent faussement. Oui, ces techniques d’I.A. constituent à l’évidence un danger pour la démocratie : rien ne permettra jamais de nous garantir contre des utilisations perverses au service de quelques uns ou d’idéologies délétères. Georges Bernanos fut véritablement visionnaire lorsqu’il écrivit : « Un monde gagné pour la technique est perdu pour la liberté ».

Au surplus, si l’on excepte les régimes dictatoriaux de tous poils, force est de convenir qu’aujourd’hui l’IA est aux mains de quelques géants privés que personne ne maitrise. Car pour développer des techniques aussi pointues, élaborées, couteuses, il faut une colossale ingénierie et des puissances financières dont seuls quelques seigneurs de la tech en situation monopolistique disposent aujourd’hui. Des groupes privés dont la puissance rivalise avec celle des Etats et qui règnent sur des empires numériques composés de moteurs de recherche, cloud, réseaux sociaux, ect…

Fascinés par les modes successives, nous ne voyons pas l’immense tableau des technologies accumulées dans nos vies depuis cinquante ans par l’électronique, la « Tech » comme l’on dit, c’est à dire l’ensemble des produits nés de l’électronique. L’on ne distingue pas non plus les transformations importantes et discrètes que cette Tech produit dans nos vies quotidiennes : elles régissent beaucoup d’aspects de notre existence, insidieusement, sans même que nous nous en prenions conscience.

Nous sommes déjà aux mains de quelques personnes aux idéologies libertariennes lesquelles veulent promouvoir la philosophie du long-termisme et s’affranchir des Etats au nom de la liberté des individus.

(Philosophie du long-termisme = veut que notre priorité morale doit être de sauver des vies futures, les milliers de milliards d’êtres humains encore à naître et donc de privilégier tout ce qui pourra garantir leur existence sur la Terre ou dans les étoiles. Il faut donc protéger, développer à tous prix la technologie, clé supposée de l’avenir, quitte à reléguer au second plan les questions sociales, climatiques ou démocratiques).

Elon Musk en est un pur exemple, mais il n’est pas le seul. Vous le voyez, le totalitarisme est déjà en marche, il maitrise complétement l’I.A. On se méfie toujours des Etats dont certains représentent grosso modo l’expression de la volonté générale. Et on laisse se développer « de nouvelles formes de domination qui nous condamnent à des servitudes virtuelles », pour reprendre l’expression de Jean-Gabriel Ganascia, philosophe, informaticien et, entre autres, président du comité d’éthique du CNRS.

Bref, nous sommes sous la coupe de géants du Net étasuniens et chinois, lesquels vont se livrer, et se livrent déjà, une guerre sans merci. Celle des microprocesseurs étant la plus visible. N’oublions pas également que tous ces robots sont les véhicules de valeurs et de cultures spécifiques qui vont influencer tous leurs utilisateurs, c’est à dire l’ensemble de citoyens du monde.

Et comme ni bien sûr la France, ni l’Europe de disposent d’un de ces géants du net la question de notre liberté et de notre souveraineté est une fois de plus posée.  Un homme l’avait prédit : « Je vous le dis, la liberté et les droits de l’homme en Amérique sont condamnés. Le gouvernement des Etats-Unis entrainera le peuple américain, et l’Occident en général, dans un enfer insupportable et une vie étouffante ». Qui était ce penseur pessimiste ? Vous le connaissez, il a eu sa – triste – heure de gloire, il s’appelait Oussama Ben Laden !

A une autre échelle, ces outils vont influencer profondément le fonctionnement de nos sociétés et provoquer, notamment une révolution sur le marché du travail. Les robots vont prendre en charge des tâches que, jusqu’alors, seuls des humains avaient accomplies : diagnostic médical, rédaction d’articles, conduite de voitures, dessin architecturaux, etc.… Il va y avoir des bouleversements importants et des révisions déchirantes. Et les plus touchés ne seront pas nécessairement ceux que l’on pense.

Car selon le paradoxe de Moravec (du nom du futurologue Hans Moravec) « le plus difficile en robotique est souvent ce qui est le plus facile pour l’homme ». L’expérience a montré que des activités manuelles très simples sont compliquées à effectuer pour des robots, alors que des activités intellectuelles a priori complexes sont réalisées de façon efficace par des programmes informatiques. Difficile à admettre que plus votre niveau d’éducation augmente plus le travail pour lequel vous avez été formé peut-être prise en charge par une machine !

Le monde du travail va considérablement muter dans les années à venir ; hélas aucune réflexion n’est pour l’instant conduite sur ce thème. L’on met même la charrue avant les bœufs puisque l’on réforme l’après-travail – c’est à dire nos systèmes de retraite - avant même de se poser la question de savoir ce que le travail sera demain.

L’évolution de nombreux métiers nécessite la mise en place des outils éducatifs nécessaires, d’une formation continue adaptée. Autrement dit, il faut une révolution pédagogique : nous en sommes loin, très loin même.

En définitive tout est aujourd’hui possible, il appartient aux hommes de savoir et de déterminer ce qu’ils veulent véritablement, comment ils envisagent leur vie et le monde futur. Voulons-nous ou non que l’I.A. régisse nos vies, voulons-nous l’ y intégrer et si oui,  dans quelles proportions ? Que sommes nous prêts à accepter dans le domaine déjà fort avancé de l’automatisation ? Il y a déjà quelques temps qu’Henry Kissinger l’avait prophétisé : « Les Lumières ont débuté avec une philosophie que de nouvelles technologies ont répandue. Notre époque a produit une technologie qui peut devenir dominante et lui cherche une philosophie. »

Il s’agit donc bien là d’un choix purement culturel, d’un choix de société, les problèmes posés par l’I.A. sont certainement aussi nombreux que ses potentiels. Nous sommes certes face à une révolution mais ne nous trompons pas sur la nature de celle-ci : elle n’est pas numérique, elle est anthropologique.

Mais une chose est certaine, quelques soient les risques encourus, les dangers de dérapages, l’Homme, ou plutôt l’homo sapiens, poursuivra dans cette voie du toujours plus toujours plus loin. Parti d’Afrique il y a des millions d’années, il a réussi au fil du temps, à force d’opiniâtreté, de courage, de créativité, peut-être d’inconscience à explorer et coloniser la totalité de la planète, au détriment d’autres formes d’humanité tel par exemple les Néandertaliens. Il a apprivoisé l’ensemble des techniques, il a consciencieusement siphonné les ressources de la terre jusqu’à bouleverser les grands équilibres de celle-ci et à se mettre aujourd’hui en danger.

Nul doute qu’à présent, il se livrera à toutes les expériences imaginables, il explorera toutes les possibilités que lui offrent les sciences et les technologies. « Puisque c’était possible, c’était obligatoire » dira cyniquement un ministre du général de Gaule à propos de la bombe atomique ! La course en avant dans tous domaines est inscrite dans l’ADN, de l’homo sapiens, c’est pour lui une tendance irrépressible quelles qu’en soient les conséquences. C’est un conquérant-né, conscient de son aptitude à surmonter les contraintes ; son imagination repousse les limites et laisse libre cours à l’audace créatrice, véritable moteur aussi symbolique que matériel.

Alors oui, l’I.A. – comme beaucoup d’autres de ses inventions passées et à venir - est un risque pour l’Homme, pour sa liberté, pour son style de vie, pour son esprit, pour sa raison, pour sa santé, pour la qualité de son existence sur cette planète. Les considérations éthiques si fondamentales pour tout homme responsable ne pèseront pas lourd dans cette course débridée vers des lendemains incertains.

Ne soyons pas naïfs : quoique nous en disions, l’homme poursuivra obstinément le développement de l’I.A. et plus généralement de la Tech, son perfectionnement, son extension à tous domaines et d’autres encore dont nous n’avons pas aujourd’hui idée. Créer ce qui n’a pas encore été fait, spécialement si c’est impossible, même si homo sapiens ne sait pas où cette aventure le conduira. L’histoire se poursuivra ainsi, jusqu’au jour, peut-être pas si lointain, où……

Comme l’a si bien résumé le philosophe suédois Nick Bostrum « des machines douées d’intelligence sont la dernière invention dont l’humanité aura besoin ».

Et une petite dernière pour la route, elle est de Stephen Hawking (2014),un homme qui savait de quoi il parlait"je pense que le développement d’une I.A. complète pourrait mettre fin à l’humanité. Les humains, limités par une lente évolution biologique, ne pourraient pas rivaliser".

(Stephen William Hawking, né le 8 janvier 1942 à Oxford et mort le 14 mars 2018 à Cambridge, est un physicien théoricien et cosmologiste britannique. Ses livres et ses apparitions publiques ont fait de ce théoricien de renommée mondiale une célébrité.)

Nos héritiers et nos successeurs sur cette planète ont du souci à se faire et du pain sur la planche puisqu’après que leurs glorieux ancêtres, nous donc, leur aient bien savonné la planche en pourrissant la Planète en quelques décennies, il leur appartient désormais de parachever la mise en place de systèmes et de robots qui accélèreront l’extinction de l’espèce !

A moins que dans un sursaut salvateur, ils fassent preuve de ce qui nous a jusqu’ici cruellement fait défaut - sagesse, retenue, conscience, respect, responsabilité, mesure - et considèrent l’Homme et son Environnement, comme des valeurs premières et indépassables.

Comme l’écrivait Murray Bookchin en paraphrasant un slogan parisien de Mai 1968, « Si nous ne réalisons pas l’impossible, nous devrons faire face à l’impensable ! ».

Alors, tentons l’impossible, puisqu’il n’est pas (encore !) interdit de rêver et qu’il en est (peut-être ?) encore temps…

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N°4

Le Docteur Bertrand CHAPUIS explore la voie des neurosciences et de la psychiatrie. Dans cette article, pour lui, seule l'intelligence des affects tisse les liens du vivre ensemble pour avancer sur les chemins de l’humanisation. L’évaluation du processus d’humanisation se jauge au QIR, Quotient d’Intelligence Relationnelle.   

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Quel est l’avenir de nos origines ?

Certainement pas l’intelligence artificielle des algorithmes. Comme l’a précisé Jacques Lavergne dans son post, ce n’est qu’une intelligence de robotisation particulièrement douée pour la cognition. Mais l’intelligence des intellects ne produira jamais ce que génère l’intelligence des affects. Seule cette intelligence des affects tisse les liens du vivre ensemble pour avancer sur les chemins de l’humanisation. L’évaluation du processus d’humanisation se jauge au QIR, Quotient d’Intelligence Relationnelle.   

Faisant l’hypothèse que les constructions circulaires faites par une communauté néandertalienne dans une grotte à Bruniquel, il y a 176 500 ans, seraient un des premiers lieu de rituel autour de l’accouchement et des naissances, j’ai été invité à participer au Festival des Arts Foreztiers du 20 au 23 juillet 2023 sur le thème Peuples racines. (Chavaniac-Lafayette (Haute-Loire), festival organisé par Sylvie Dallet présidente de l’Institut Charles Cros). Tout laisse à penser qu’un tel rituel pourrait bien être à l’origine du processus d’humanisation : la mentalisation affective des relations entre les mères et leurs petits. La survie de la communauté au prix d’une mort possible.

 

Alors, comment faut-il entendre « peuples racines » ? Comme les peuples qui sont à l’origine de l’humanisation parmi les dizaines d’humanités qui existaient au début du paléolithique moyen, ou comme les peuples qui se sont enracinés ? Ces deux façons de comprendre « peuple racine » sont en fait peut-être liées. Elles vont nous inviter à revisiter le nomadisme et la sédentarité. Où vivrons-nous demain ? se demande Jean-Pierre Estrampes dans son podcast Territoire ou peuplement ? Qui choisira de vivre dans un territoire refuge entouré de barbelés et qui acceptera de retourner dans l’habitat nomade des espaces naturels ?

À la racine de nos origines à nous, les Sapiens issus du néolithique dans le croissant fertile de Mésopotamie, (ceux qui se nommeront plus tard les Sapiens-sapiens ou encore « les hommes modernes » qui se pensent intelligents), on trouve deux grandes humanités : les néandertaliens du paléolithique moyen qui peuplaient l’Eurasie, et les sapiens qui sont venus d’Afrique. Au paléolithique récent, ces sapiens sont devenus les seuls porteurs du processus d’humanisation sur le pourtour méditerranéen. Mais nos racines communes sont bien métissées de toutes les autres humanités.

L’avenir de nos origines dépendra de nos capacités à métisser nos processus d’humanisation : sera-t-il de s’enraciner ou de faire rhizome ?

Des territoires racines aux individus rhizomes peut résumer notre propos.

En effet, toutes les découvertes actuelles sur les populations néandertaliennes[1] convergent vers le passage des peuples enracinés aux individus rhizomes : ce qui relève des racines est un lieu-territoire, et ce qui relève des rhizomes sont des communautés ou des individualités.

Alors que je pensais à ce thème des Arts Foreztiers sur les peuples racines, je suis tombé sur un article consacré à Gilles Deleuze et à la déconstruction des territoires.[2] La phrase du philosophe mise en tête de l’article était : « Faites rhizome, et pas racine ». Au modèle de l’arbre, symbole du savoir vertical, Deleuze préfère le roseau aux ramifications multiples sources d’une pensée créative et libre. Le titre de l’article était L’arbre à abattre ! Comment interpréter ce titre ? J’ai bien sûr pensé à la fable du chêne et du roseau ; fable qui met l’accent sur l’orgueil condescendant des dominants face à l’humilité de ceux qui composent avec les éléments naturels. Cependant, l’usage du singulier dans le titre, L’arbre à abattre, renvoie aux individus singuliers que sont le chêne et le roseau. L’arbre à abattre pourrait donc bien être l’arbre qui cache la forêt par sa prétention à dominer le collectif des autres en les effaçant.

La notion de rhizome apparait en 1975 dans le livre sur Kafka rédigé avec le psychanalyste, Félix Guattari. Ils se demandent Comment entrer dans l’œuvre de Kafka qui est comme un terrier fait de couloirs en rhizome, véritable labyrinthe où aucune entrée n’a de privilège ?  L’œuvre de Franz Kafka est vue comme symbole de l’homme déraciné des temps modernes. Le personnage kafkaïen est livré, impuissant à des forces inconnues. Il évolue dans un monde incompréhensible. La vie est un mystère irrésolu et l’existence se déroule dans un labyrinthe dont on ne connait ni l’entrée, ni la sortie. Quelques mois plus tard, en 1976, ils publient Rhizome, texte qui sera repris en 1980 en introduction au deuxième tome de leur critique globale de notre humanité occidentale de Sapiens intitulée Capitalisme et schizophrénie. Le premier tome était L’anti-Œdipe en 1972 et le deuxième en 80, Mille plateaux[3]. D’une image photographique décrivant des ramifications, le rhizome est devenu un concept cinématographique, un concept évolutif, dynamique et processuel donnant à penser la multiplicité des identités d’appartenance qui se construisent au sein d’un individu tout au long de son existence. Le roseau est devenu pour Deleuze et Guattari le modèle d’humanisation avec comme mot d’ordre : ne vous plantez jamais, faites rhizome, ne soyez pas un, soyez des multiplicités aux savoirs créatifs, des savoirs emboîtés les uns dans les autres à la façon des poupées gigognes, sans être subordonnés à aucune vérité préalable. Des savoirs sans commencement ni fin, mais où chaque savoir est de façon paradoxale une fractale, c’est-à-dire un fragment qui contient le tout. Le rhizome est un système acentré, non hiérarchique et non signifiant, sans mémoire organisatrice, uniquement défini par la circulation des énergies. Ce qui est à l’œuvre dans le rhizome est en rapport avec la création de toutes les choses de la nature en devenir. La déterritorialisation (passant par la déconstruction des possessions territoriales) est la force conceptuelle du rhizome qui n’en n’a pas fini de déraciner le verbe être.

Déraciner le verbe être et pouvoir enfin devenir sur le fil d’un processus d’humanisation jamais acquis. Le processus nécessite d’apprendre à conjuguer l’espace-temps pour pouvoir habiter toutes les histoires : avoir été, être, devenir et mourir. Il en est ainsi des néandertaliens.

Néandertal est à la mode ; ou plus exactement ses processus d’humanisation qui se confirment être différents des nôtres. L’aventure scientifique du paléo généticien, Svante Pääbo, prix Nobel de médecine, et de ses équipes, illustre qu’en science, le rêve est nécessaire, le doute et l’esprit critique aussi, pour une interrogation permanente sur la question des origines. Sa dernière belle découverte dans une grotte des montagnes de l’Altaï, est un fragment d’os d’une jeune fille de 13 ans qui, selon son ADN, s’avère être une hybride entre un père Dénisovien et une mère Néandertalienne. Les humanités fossiles sont bien des peuples racines. En dehors des outils utiles à la chasse et à la survie corporelle du groupe grâce au dépeçage de la viande et aux découpages des peaux, les premières marques d’humanisation étaient jusque-là liées aux premières sépultures volontaires retrouvées au Proche-Orient qui remontent aux alentours de 100 000 ans, ainsi qu’aux traces et à l’ornement des grottes par les Sapiens du paléolithique récent dont la plus ancienne est actuellement la grotte Chauvet (35 000 ans). Or, ces considérations ne prennent pas en compte un point essentiel à la survie de toutes les espèces : les conditions de survie à l’accouchement qui est à l’origine du processus de reproduction et du taux de natalité lié à la mortalité infantile et maternelle. Ayant eu souvent à pratiquer des césariennes lors de mon activité chirurgicale en Afrique, je suis resté attentif aux angoisses des accouchées et des mères dans ma pratique de psychopédiatre ainsi que dans mon écoute de thérapeute centrée sur l’Infantile et le Parental. Devant le documentaire de Luc-Henri Fage tourné dans la grotte de Bruniquel et diffusé sur Arte, l’interprétation de l’usage de ces deux cercles, comme une des premières maternité des humanités, a été une fulgurance déclenchant en moi un ʺsentiment océaniqueʺ. Le philosophe, Éric Delassus

A SUIVRE... Les Textes suivants

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