L'Éditorial du 8 février 2025
«PIRATES DES AMÉRIQUES»
Il est partout. L’on ne peut plus ouvrir un journal, écouter une radio, regarder une émission de TV, se brancher sur un réseau social, sans être immédiatement littéralement inondé des dernières pensées, des dernières décisions, de l’ultime décret de celui qui se prend pour le maître du monde, du nouveau Lider Maximo, du démembreur de l’État américain, du phare de la Pensée occidentale, du rouleau compresseur de la « fake news », qui se mêle de tout et de rien sur cette planète, j’ai nommé le Président Trump. Hier soir, au moment de me coucher, j’ai même regardé sous mon lit afin de m’assurer qu’il n’y était pas. Pour paraphraser le regretté Coluche, il n’est pas sympa Donald, « il a des idées sur tout, il a surtout des idées ». Et l’art d’instaurer la chienlit dans les rares endroits où elle n’existait pas, tout en exacerbant les multiples divisions du Monde.
Certes, depuis 1967 et Guy Debord, nous savons que nous vivons dans une société où le spectacle est roi même si les acteurs sont mauvais, où tout n’est que communication, posture et saturation médiatique. Mais là, quand même, il faut le dire haut et fort, cela commence à bien faire. Pour l’énoncer franchement et en bon français, il commence sérieusement à nous « emmerder » le Trump. Mais comme le disait Belmondo (100 000 dollars au soleil, 1964, dialogues d’Audiard) « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent »
Cependant, tout bien considéré, nous, l’Europe, les 130 kilos nous les faisons plus que largement. Pour autant pas sûr que nous parlions d’une seule voix, que nous fassions taire nos stupides et stériles guerres de clocher, que nos politiques se mettent au service de nos intérêts et pas du leur ou de celui de leurs étroites et souvent dépassées petites idéologies. Nous ne sommes pas arrivés, me direz-vous. Sauf que là, l’Europe tient une belle motivation, et peut-être un jour, si nous savons nous y prendre, dirons-nous merci à ce personnage sulfureux, hâbleur et provocateur. Et dangereux, car contrairement à ce que certains pensent, il n’est ni irrationnel ni vraiment imprévisible. Peut-être sur la forme mais pas sur le fond.
Il représente un courant de pensée économique déjà ancien mais qui retrouve aujourd’hui une vigueur et une audace avivée par les désordres politiques, sociaux, économiques et environnementaux qui fragilisent le Monde. Il n’est que de relire par exemple La route de la servitude, livre paru en 1944 sous la plume du philosophe et économiste Friedrich Hayek pour s’en convaincre. Hayek créera en 1947 la fameuse société du Mont-Pèlerin vouée à diffuser les idées libérales critiques du planisme, du keynésianisme et de l’intervention de l’État. Une vision de la société qui a prospéré de nos jours, portée entre beaucoup d’autres par un certain Peter Thiel (milliardaire et fondateur de PayPal, associé de Facebook) lui aussi néolibéral assumé, qui a écrit : « Je ne crois plus que la liberté et la démocratie soient compatibles » et « La mission des libertariens est de trouver un moyen d’échapper à la politique sous toutes ses formes ».
Libertarien, voilà un vocable qui, en passant par Milton Friedmann l’un des plus célèbres économistes du XXème siècle (ou son petit-fils Patri, auteur de « La démocratie n’est pas la solution, elle n’est que la norme actuelle du secteur ») nous ramène à Musk, pour l’instant financeur de Trump, grand bénéficiaire des fonds publics US, et inspirateur – jusqu’à quand ? - du nouveau Président américain. Ou à Stephen Moore, conseiller économique de celui-ci : « Le capitalisme est bien plus important que la démocratie. Je ne suis moi-même pas un fervent adepte de la démocratie ». Tous gens porteurs d’une idée répandue dans les droites contemporaines : celle que le capitalisme peut exister sans la démocratie. Nous vivons un « présent tourmenté, où l’idée du public et du commun fait office de repoussoir pour certains » Quinn Slobodian (Le capitalisme de l’Apocalypse, éditions du Seuil)
Le rêve de tous ces gens est d’être libérés de toutes réglementations, taxations, obligations, impôts, devoir de solidarité envers les plus démunis, du pouvoir des gouvernements, du contrôle démocratique. Et avoir la latitude de faire librement ce qu’ils veulent, c’est-à-dire de l’argent, toujours plus d’argent, quel qu’en soit le prix payé par leurs contemporains, le vivant et la Planète. Menaçant peut-être même ce faisant la survie de l’espèce, de celle de cet homo sapiens à l’avenir déjà bien sombre.
Ces libertariens sans vergogne, ces milliardaires décomplexés et leur rêve de capitalisme débridé et sans entrave représentent à l’évidence un danger existentiel.
Est-ce cela que nous voulons ?
Jacques Lavergne / Esprit Occitanie / 7 février 2025
Jacques Lavergne / 19-01-25 / Radio web Esprit Occitanie
L'Éditorial du 31 janvier 2025
«LE BAL DES FAUX-CULS»
Il est piquant de constater qu’il y a quelques semaines tout le monde s’accordait à considérer Trump comme un dangereux hurluberlu, hâbleur, irrationnel, roi des rodomontades, dont l’élection sonnerait le début de difficultés innombrables pour l’ensemble de la planète. Le bon sens et la raison en conduisaient beaucoup à espérer sa défaite à la présidentielle américaine. Las, ce fut l’inverse qui se produisit. Et sans attendre le show du nouveau Président commença, tel qu’annoncé. Bien conforté par quelques apparatchiks milliardaires uniquement préoccupés d’accroitre leurs bénéfices et leurs dividendes (singulièrement avec l’argent public), et prêts pour cela à toutes les plus basses compromissions.
Immigrés, réguliers ou non, furent pourchassés ; les États-Unis annoncèrent leur retrait de l’OMS, puis de l’accord de Paris sur le climat ; des agences gouvernementales œuvrant dans la protection de la nature, et dans celle des plus pauvres et défavorisés, furent priées de se saborder ; l’administration dans son ensemble se devait d’être dégraissée et réduite à sa plus simple expression ; les règles et les normes allaient ou disparaitre ou être réduites à leur plus simple expression ; on allait allégrement bafouer le droit (notamment international) et les frontières.
Bref, c’était le retour du plus fort, du plus cynique, du plus menteur, de la prédation sans retenue, du populisme de bas étage, du virilisme rance, du chantage éhonté, du roi argent, avec un seul mot d’ordre « tout pour moi, rien pour les autres ». La ploutocratie absolue et absolument décomplexée ! (Du grec ploutos : dieu de la richesse et kratos : pouvoir, consistant en un système de gouvernement où la richesse constitue la base principale ...). Tout cela sous le regard énamouré de quelques représentants de l’extrême droite française et de notre milliardaire à nous, Bernard Arnaud, tous béats d’admiration et humides de désir ! Enfin un chef qui va mettre au pas tous ces empêcheurs de polluer la planète, d’empoisonner leurs contemporains, de gagner leur sacro-saint fric sur le dos des plus démunis et des plus faibles que l’on va pouvoir instrumentaliser jusqu’à plus soif…
On aurait pu penser que ce programme allait déclencher des réactions effarées, du rejet, des critiques virulentes, au moins en Europe. Certes il y en a eu mais finalement, beaucoup notamment à droite, ont trouvé là un programme ô combien séduisant et se sont engouffrés dans la brèche ouverte par Trump. Il nous fallait à notre tour nous lâcher, supprimer normes et réglementations, et laisser s’exprimer le néolibéralisme pur et dur. De même, tous ceux qui pouvant pourrir encore plus la planète, la polluer sans considération aucune ni pour l’avenir de nos enfants ni pour la santé publique, affaiblir la biodiversité, pratiquer la politique du court termisme et « d’après moi le déluge », se sentent aujourd’hui pousser des ailes. La droite française (notamment celle siégeant au Sénat), l’extrême droite bien évidemment, sont instantanément devenues totalement décomplexées. Même Bernard Arnaud, oubliant pudeur et retenue, plaide pour qu’impôts et taxes ne soient surtout pas augmentés. Un comble, la ploutocratie absolue on vous dit ! Les agences qui accomplissent un fantastique travail avec des moyens réduits, telles l’ADEME, L’ANSES, l’OFB et quelques autres, sont clouées au pilori, Premier Ministre bien mal inspiré en tête. Quand aux gauches diverses et variées, elles demeurent pour l’instant d’une discrétion de violette !
Voltaire l’avait écrit : « Faire l’homme c’est exercer la raison. C’est la meilleure part de lui-même. Un animal doté de raison a un combat à mener contre les rêveries, les illusions, la coutume. »
Mais l’homo sapiens est-il encore aujourd’hui en capacité de « faire l’homme » ?
Jacques Lavergne , le 31 janvier 2025.
Jacques Lavergne / 19-01-25 / Radio web Esprit Occitanie
L'Éditorial du 19 janvier 2025
« Tout ça pour ça ! »
Des milliers d’années où des humanités ont bégayé sur cette planète, tentant lentement, progressivement, souvent dans la douleur et les difficultés de tous ordres, de progresser, d’acquérir une vie meilleure, matériellement bien sûr mais aussi culturellement et spirituellement. Tout en peuplant toutes les parties de cette planète, même les plus inaccessibles, grâce à une volonté farouche, au prix d’efforts colossaux, de souffrances indescriptibles et de surprenantes adaptations génétiques.
Des centaines d’années consacrées à élaborer des civilisations de plus en plus complexes, mues par des règles, des traditions, des croyances, des valeurs, des techniques, toutes plus sophistiquées les unes que les autres au fil du temps. Des civilisations qui ont eu des côtés brillants intellectuellement, des fulgurances créatives, des avancées inventives indéniables ; mais aussi des faces sombres faites de colonisation, d’intolérance, de domination, d’exploitation, de violence.
Des dizaines d’années qui ont vu se produire une explosion technique, scientifique, médicale, mais aussi démographique. Une amélioration globale de la vie des hommes, ou du moins de ceux d’entre eux qui étaient nés sous la bonne latitude, avec la couleur de peau qui allait bien, qui acceptaient de jouer le jeu du système politique et économique dominant dans lequel ils vivaient. Mais pour une grande partie de l’Humanité, la vie était globalement meilleure sinon confortable. Assez en tout cas pour espérer que l’ensemble de ces bienfaits, réels ou supposés, s’étendraient à l’ensemble de la planète ; pour rêver que demain serait meilleur que hier et moins bon qu’après-demain.
Et puis, progressivement, lentement, trop lentement, la doute s’est insinué. A l’évidence, nous ne pouvions parvenir à ces lendemains prometteurs si l’on continuait à dégrader les conditions physiques qui avaient permis à la vie d’apparaitre et de se développer sur Terre. Si la violence entre les individus et les conflits armés entre Etats ne revenait pas à son niveau le plus bas. Si les disparités sociales, patrimoniales, économiques persistaient à demeurer aussi profondes. Si un sentiment d’appartenance à une même communauté - celle des « homo sapiens » – et donc la nécessaire solidarité entre ses membres, ne présidait pas à leurs rapports.
Nous étions à un instant où tout était possible, le meilleur comme le pire. Un moment qui nécessitait pour que le premier advienne que les « commandes » du Monde soient confiées à des femmes et hommes instruits, cultivés, puissamment cortiqués. Et capables de nous convaincre d’adopter les bonnes pratiques de nature à nous permettre de sauver ce qui pourrait encore l’être. Las, que croyez-vous qu’il se passât ? Ce furent les hommes violents, agressifs, sans culture ni valeurs élevées, pour qui la force constitue la qualité suprême, qui furent portés au pouvoir ou qui le prirent par la ruse, la violence, l’aide de technologies liberticides, le soutien de financiers voyous et intéressés. Et bien sûr en s’appuyant sur des masses bêlantes de populistes prêts à gober, à colporter n’importe quelles foutaises même les plus énormes, servies par ceux qui les manipulent sans vergogne. « Ceux qui peuvent vous faire croire en des absurdités pourront vous faire commettre des atrocités » Voltaire.
Nous y sommes. Désormais, malheur aux faibles, aux déracinés, aux pauvres, aux exclus, aux opposants, aux intellectuels, aux basanés, aux sexualités minoritaires, aux démocrates et plus globalement à ceux qui ne veulent pas s’abaisser à soutenir des thèses imbéciles et humainement avilissantes. Place aux Poutine, Trump, Musk, Maduro, Le Pen, Zuckerberg, Orban, XI, Bolsonaro, et leurs hélas innombrables pareils car la liste est loin d’être exhaustive. Sans oublier bien sûr les barbus fous de dieu.
L’Europe et quelques autres pays partageant les mêmes valeurs pourraient être un havre de paix, un refuge, un îlot de résistance et montrer de toutes autres directions et pratiques. Encore faudrait-il que leurs dirigeants fassent montre d’un peu moins de pusillanimité et d’un peu plus de courage politique. Et que leurs électeurs se dessillent, s’intéressent à ce qui se passe hors de leurs frontières, et s’adonnent au réalisme. Nous rentrons dans une phase complexe, délicate, voire dangereuse. Les choses vont aller très vite. L’alliance du populisme et de la manipulation, du pouvoir décomplexé et déshumanisé, de l’excellence technologique et de l’argent, pourrait bien produire un résultat explosif. L’âge de la régression nous guette, celui de la prédominance du crétin aussi !
Sommes-nous prêts ?
Jacques Lavergne / 19-01-25 / Radio web Esprit Occitanie
L'Éditorial du 4 janvier 2025
« L’Europe entre le marteau et l’enclume
L‘Europe a aujourd’hui impérativement besoin d’être forte et unie, ce que malheureusement elle n’est pas. Celui que l’on appelait son « moteur », le couple franco-allemand, est à l’arrêt depuis bien longtemps. Les différences d’approches sur moult problèmes entre les deux pays, les erreurs commises par leurs dirigeants – Scholz et Macron – qui en font aujourd’hui des responsables politiques sans force ni crédibilité, leurs économies à la peine, ont contribué à fragiliser voire à casser une mécanique qui avait fait ses preuves. Au surplus, certains pays, pas forcément les plus importants mais quand même, tels la Hongrie et son dirigeant populiste Orban ou la Slovaquie de Fico, jouent ouvertement la carte de la Russie.
Une Russie dirigée par un criminel de guerre dont l’armée massacre des civils, enlève des enfants, utilise des armes chimiques ou le viol comme arme de guerre, bombarde et détruit des villes entières et des installations de première nécessité au mépris des conventions internationales. Et fait massacrer des centaines de milliers de ses compatriotes. Un pays qui commence à ressentir durement les effets de cette guerre qu’il a lui-même déclenchée : les signes d’une brusque dégradation de la situation économique se multiplient. Les sanctions occidentales commencent à produire leurs effets. La stagflation menace, l’inflation est plus de 9 %, la hausse des prix est plus de deux fois ce qu’avait prévu le Kremlin. De ce fait la banque centrale a été contrainte d’augmenter son taux directeur à 21 %, et conséquemment les taux des banques frôlent les 30 % alors que le rouble plonge.
Est-ce pour autant suffisant pour que Poutine mette un terme aux hostilités ? Pas vraiment si l’on en croit un diplomate en poste en Europe de l’est, cité par le Canard Enchainé : « Tout comme Netanyahou à Gaza, Poutine n’a peut-être pas intérêt à une paix qui le mettrait, sur le plan intérieur, face aux conséquences de son « opération spéciale ». En particulier le nombre faramineux de morts ». Cette guerre qui sévit aux portes de l’Europe est peut-être loin de s’achever même si agresseur et agressé n’en peuvent plus. Ce criminel qui la menace représente toujours un risque sérieux et l’Europe pourrait bien se mordre les doigts de ses atermoiements, de son indolence et de son impuissance à armer l’Ukraine.
De l’autre côté de l’Atlantique, la situation bien que radicalement différente n’engendre pas non plus l’optimisme. L’élection d’un personnage aussi fantasque que Trump, irrationnel, n’écoutant ni ses conseillers ni personne si ce ne sont ses préjugés souvent douteux, introduit une multitude d’inconnues qui rendent l’avenir à tous niveaux plus qu’incertain, sinon inquiétant. Enfin si, il écoute quelqu’un, pour l’instant (et jusqu’à quand ?) mais il n’est pas certain (euphémisme !) que ce soit la meilleure des choses pour l’Europe : Musk. Lequel ne sera pas l’homme qui ne le modérera ni ne le mettra sur la voie de la sagesse, ou celle de la raison et de l’équilibre. Surtout dans la mesure où cet Elon Musk se révèle être un boute-feu de la pire espèce.
Il fait aujourd’hui le sale boulot pour le compte de Trump en ciblant, notamment grâce à son réseau social, de préférence les dirigeants-sociaux-démocrates, tel Olaf Scholz et le Président de la République fédéral d’allemagne, Frank-Walter Steinmeier qualifié de « tyran antidémocratique ». Ou le travailliste Keir Starmer, premier ministre britannique accusé d’avoir étouffé une vaste et sordide affaire de viols de mineures perpétrés par des gangs d’émigrés pakistanais ! Et surtout en menant une offensive antidémocratique et antieuropéenne d’une grande virulence, une tentative de déstabilisation et de dénigrement inédite à ce jour. Offensive qui se concrétise par exemple par des appels aux électeurs allemands à voter pour le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland aux législatives du 23 février ; ou bien en réclamant de nouvelles élections au Royaume-Uni en offrant de financer certains partis populistes proches de la droite extrême. Mesdames Le Pen et Meloni doivent en frétiller d’aise. Poutine ne fait pas mieux.
Situation ahurissante qui voit un homme d’affaires, ne possédant même pas la nationalité américaine, prendre des initiatives politiques internationales qui ne sont ni plus ni moins que de l’ingérence grossière, avec la bénédiction du Président élu des Etats Unis, par ailleurs condamné par la justice pénale de son pays ! Au surplus un chef d’entreprise enrichi par les contrats publics et qui a financé l’élection de ce dernier à hauteur d’un quart de milliards de dollars. Bref le conflit d’intérêt est patent. Cet étrange attelage constitue une menace directe pour l’Union Européenne et pour les démocraties qui la composent. (Mais ils étaient invités par Macron à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame !)
Il est certainement temps de paraphraser Philippe le Hardi lorsqu’il interpellait son père, le roi de France Jean Le Bon : Europe, gardez à vous à l’est. Europe, gardez-vous à l’ouest !
Jacques Lavergne / 04-01-25 / Radio web Esprit Occitanie
'Éditorial du 24 décembre 2024
«Triste lassitude
Emmanuel Macron, malgré ses tentatives d’exister encore et de promouvoir des affidés, n’a plus la main depuis longtemps, son pouvoir politique se réduit comme peau de chagrin. A preuve, plusieurs défaites électorales dont il n’a tiré aucun enseignement, une dissolution aux conséquences encore incalculables mais à l’évidence catastrophiques, et le fait de s’être fait imposer successivement deux premiers ministres dont à l’évidence il ne voulait pas. Le crépuscule d’une fin de règne pour un homme qui se prend pour un génie, aujourd’hui incompris pense-t-il, et qui a échoué sur tout. Sauf malheureusement à affaiblir considérablement le pays et à achever de le ruiner financièrement. Mais que nous sommes condamnés à conserver à l’Elysée sauf à voir s’opposer dans une élection présidentielle anticipée la peste et le choléra, Mélenchon et Le Pen.
Contraint et forcé, le Président de la République s’est résigné à désigner François Bayrou pour occuper Matignon. Il aurait bien évident préféré nommer une femme ou un homme sur qui il aurait eu barre, afin de poursuivre à travers elle ou lui la désastreuse politique – notamment économique - qu’il a menée jusqu’à ces derniers mois. Ce qui démontre bien que, soit il n’a pas compris le message des urnes penchant sensiblement à gauche, soit il s’en moque estimant détenir la Vérité sur la piétaille incapable d’apprécier ses mérites et sa vision supérieure. Dans tous les cas, la démocratie est bafouée, le clan des abstentionnistes renforcé et l’instabilité politique devenue dangereusement chronique.
Nous avons donc un nouveau premier ministre, le quatrième en quelques mois. Certains font du neuf avec du vieux ; François Bayrou, lui, a choisi de carrément de faire du vieux avec du vieux. Au surplus en cédant aux oukases de Le Pen qui ne voulait pas entendre parler de certaines personnalités tel Xavier Bertrand, lequel l’a combattue sans faiblesse. Bref, le nouveau premier ministre fait du Barnier bis : on sait où cela a mené ce dernier. Les premiers pas de Bayrou dans ce poste éminent paraissent bien timides et déjà jalonnés de quelques erreurs de communication. Son équipe qui devait être marquée du sceau de l’ouverture et d’un élargissement de son socle politique, ne l’est en rien et ne le met nullement à l’abri de la censure. Ce n’est pas en s’appuyant sur ceux qui étaient et sont le problème que l’on parviendra à la solution permettant de sortir la France du fossé dans lequel elle est enlisée.
Surtout, une personnalité, quelque soit sa couleur politique, aussi déterminée voire brillante soit-elle, se heurtera toujours au problème que constitue une Assemblée divisée et de laquelle aucune majorité ne peut émerger. Et ce d’autant moins que les parlementaires s’arcboutent sur leurs positions étroites et sectaires, aucun ne voulant lâcher une parcelle de ses convictions ni faire la moindre concession sur quoique ce soit. Une Assemblée encore à l’abri d’une nouvelle dissolution pendant quelques mois. Si les représentants de certains pays savent nouer des alliances, même ponctuelles, et faire des concessions, des compromis, afin de faire avancer leur cause nationale, il est évident que nos moeurs politiques ne sont pas aussi évoluées.
Et que notre personnel politique comprend surtout de petits politiciens à courte vue, totalement déconnectés des réalités du pays et même de la Planète, au service d’appareils politiques étroits et dépassés, des élus qui sont tout sauf des Femmes et des Hommes d’État. La France n’est plus dirigée, ceux qui seraient en charge de le faire croient certainement que nous sommes sur un île, intouchables car bien à l’abri des vicissitudes d’un monde devenu violent, incertain, avec une guerre à nos portes. Cécité irresponsable que nous risquons de payer cher. Les Français le savent, le sentent, ils épargnent, les entreprises demeurent dans l’expectative différant les décisions essentielles. Cette conjoncture affaiblit la demande intérieure en ralentissant consommation et investissement, moteurs de la croissance. Nous sommes toujours sans budget, notre déficit public s’accroit, notre dette aussi qui dépasse les 3 300 milliards d’euros. La perte de confiance des investisseurs est évidente comme le montre la baisse de la note de la France par les agences de notation, conduisant à une augmentation du coût de la dette.
Voilà où nous a conduit la politique du Président Macron et des ses amis, lesquels s’accrochent au pouvoir contre vents et marées : François Bayrou et bon nombre de ses ministres en sont l’exemple. Ce vieux monde qui devait disparaître est là, tenant fermement les rênes du pouvoir : après nous avoir mené dans une impasse, ruiné et fait le lit des extrêmes, affaibli démocratie, finances et services publics, nos dirigeants continuent à jouer avec l’avenir des Français qui assistent à leur triste et stérile parade impuissants, fatigués, incrédules devant tant de suffisance et d’impudeur tranquille, peut-être résignés.
Jusqu’à quand ?
Jacques Lavergne / 24-12-24 / Radio web Esprit Occitanie
L'Éditorial du 19 octobre 2024
« TOUT BAIGNE…
Le sud de la France vient de connaître des épisodes de prélèvement considérables avec des cumuls pouvant atteindre localement 600 à 700 mm, dont environ 500 mm en moyenne sur quarante-huit heures. C'est exceptionnel. Ce qui l'est aussi c'est l'étendue des territoires touchés par le phénomène : trente-trois départements placés en vigilance orange pour des pluies et des inondations et six en vigilance rouge. En plus, dans certains départements de la moitié nord de la France, on attend entre 30 et 50 mm de prélèvement sur des sols déjà gorgés d'eau en raison du passage récent de la tempête Kirk.
Depuis quelques mois nous assistons à une recrudescence de ces phénomènes : voir par exemple les inondations exceptionnelles en vallée d'Aspe, ou la crue en Isère qui avait ravagé la Bérarde. La France n'est pas le seul pays touché, une partie de l'Europe centrale l'a été aussi. Rien d'étonnant à cela : comme le dise les spécialistes (lire l'entretien donné par le climatologue Aurélien Ribes à Audrey Garric du Monde), « cette série interpelle mais elle est cohérente avec le tableau clinique du changement climatique ». Ce dernier augmente les températures, de ce fait l'air contient davantage de vapeurs d'eau, d'où des épisodes de fortes, fréquentes et plus intenses. Il faut s'y préparer, les émissions de gaz à effet de serre émis par l'activité humaine entraîneront des épisodes de ce type, toujours plus violents.
Tout baigne…
Mais cela n'inquiète pas tout le monde, notamment le personnel politique français, singulièrement celui qui – même minoritaire – tente de gouverner aujourd'hui le pays. Plutôt que de se pencher sérieusement sur ces questions environnementales, Michel Barnier et son ministre de l'Intérieur se pavanent à Menton pour traiter de l'immigration et préparer une énième loi sur la question alors même que sur les 30 décrets d'application prévus par la loi immigration de 2023, seuls 8 ont été publiés . Sans oublier que, selon l'agence Frontex, les passages clandestins aux frontières de l'UE sont en baisse de 42% depuis janvier (les 3 pays les plus représentés parmi ces migrants irréguliers restent la Syrie, le Mali et l'Ukraine) .
Bref, on voit par là que nos politiciens sont plus préoccupés par les postures, les visions étriquées, les petits bricolages politiciens, les jeux d'appareils médiocres, que par l'avenir des Français, leur santé, leur sécurité, leur Avenir. Tant qu'à parler d'immigration, se sont-ils posés la question de savoir comment l'on fera face à un jour prochain au flux d'hommes et de femmes qui, chassés de chez eux par un changement climatique dont ils ne sont pas responsables, s'abriteront-ils pour survivre sur nos territoires ? Se sont-ils réunis sur le point de savoir qui fera tourner notre économie, travaillera dans nos entreprises, payera charges et retraites, lorsque la crise démographique qui nous touche aura déjà atteint des proportions insoutenables ?
Non, ils gèrent leur petite boutique partisane, suivant les vents plus ou moins dominants même s'ils sont porteurs d'odeurs nauséabondes et de solutions aussi frelatées qu'inefficaces.
Tout baigne on vous dit.
Jacques Lavergne / Esprit Occitanie / 19 octobre 2024
L'Éditorial du 09 octobre 2024
« PREHISTOIRE
Ce n’est pas pour me vanter, comme le disait le regretté Pierre Desproges, mais je viens de participer comme bénévole, et avec d’autres forts sympathiques camarades, au festival du film de préhistoire, Objectif Préhistoire, qui se tenait à Cabrerets dans le Lot. Là où se situe la très belle grotte ornée du Pech Merle, gérée et conservée par une Mairie qui a l’intelligence d’y consacrer des moyens importants (proportionnellement à sa taille) afin que ce bijou des temps très anciens puisse perdurer dans le meilleur état et que toutes et tous puissent venir la visiter, l’admirer et en tirer profit chacun à sa manière.
Au menu, des films documentaires de grande qualité (dont 18 en compétition), un jury d’experts et tout un aéropage de scientifiques aussi passionnants que passionnés. Pendant plus de deux jours, le public, nombreux, curieux et attentif, a baigné dans une ambiance faite de culture, d’intelligence, de savoir, de savoir faire, et grâce aux réalisateurs de l’indispensable faire savoir. Ce fut une parenthèse revigorante pour nos esprits bien malmenés par les temps qui courent. Un public qui n’était pas composé que de spécialistes ou d’intellectuels, loin s’en fallait, mais un public captivé, même si pour beaucoup non averti. Un public qui est reparti enchanté et vraisemblablement à l’horizon de pensée ainsi élargi.
Alors la préhistoire, allez-vous me dire, pourquoi faire ? Et bien justement, elle est fondamentale dans vos vies et notre réflexion, encore plus aujourd’hui. Au moment où ce monde soufre de multiples maux, où la planète est profondément dégradée par les humains, au moment où ceux-ci se multiplient tout en altérant gravement les conditions ayant jusqu’ici permis à la vie de prospérer, il est grand temps de se poser des questions et si possibles les bonnes. Il nous faut remettre dans une direction plus heureuse cette humanité en délire. Mais pour déterminer où elle doit aller, il est essentiel de savoir d’où elle vient. Et là, les leçons de la préhistoire sont essentielles, irremplaçables.
Nos prédécesseurs aux consciences définitivement mortes – Néandertaliens, Denisoviens, et autres homo heidelbergensis – peuvent nous aider à nous situer, à retrouver notre chemin, à nous diriger avec plus d’humilité et de sagesse. Car comme l’a écrit l’archéologue et chercheur au CNRS Ludovic Slimak dans son dernier ouvrage (Sapiens Nu chez Odile Jacob) « Notre inconscience de ce que nous sommes au monde est totale ». Nos racines, même profondes, même lointaines et peut-être surtout parce qu’elles le sont, peuvent s’avérer salutaires dans ce moment de doute et de brouillard. D’où l’importance des travaux des chercheurs dans le domaine préhistorique, archéologues aux multiples et savantes spécialités, capables d’user de techniques complexes, d’appareillages sophistiqués, travaillant en équipes pluridisciplinaires issues de tous les pays. Comme dans les temps anciens objets de leurs études, les frontières n’existent pas pour ces scientifiques.
Et pour une fois, et nous ne le regretterons pas, ce festival s’est ouvert et fermé sans qu’aucun de ces petits barons et marquises de la politique n’y viennent y parader et lasser le public par leurs discours creux et éculés. Par contre, ils eussent été bien avisés de venir se fondre discrètement dans l’assistance pour, avec elle, apprendre et réfléchir. Deux verbes qui, hélas, ne font pas partie de leur vocabulaire, sinon pour tous du moins pour une grande majorité d’entre eux. Lorsque l’on a en charge la gestion de l’avenir, mieux vaut posséder un appareil cognitif performant et intellectuellement bien nourri. Il n’est que de suivre la politique nationale voire internationale pour prendre conscience avec un certain abattement (pour ne pas dire un effroi) que bien peu de politiciens en sont dotés.
Il nous faudra donc faire confiance à la « société civile » qui paraît elle disposer de solides ressources. Ce festival Objectif Préhistoire et tant d’autres manifestations similaires en sont la preuve vivante. Vivement sa prochaine édition et grand merci à ses deux promoteurs et organisateurs, Clémentine Brandeis et Bertrand Defois, pour l’avoir relancé de si belle manière.
P.S. Ecouter sur Esprit Occitanie l’émission Cap e Cap qui lui a été dédiée…
Jacques Lavergne / Radio web Esprit Occitanie
L'Éditorial du 28 septembre 2024
« Caramba, encore raté
La grande affaire de cette fin d’année sera l’élaboration du budget de la France. Avec une double contrainte : le déficit du pays s’accroit dans des proportions inquiétantes ce qui n’est plus supportable à terme ; Bruxelles a déclenché à l’encontre de la France une procédure d’endettement excessif. En effet, voilà un demi siècle que l‘Etat n’arrive pas à équilibrer son budget. Mais les sept ans de politique économique du Président Macron ont considérablement aggravé la situation.
Jugez-en : 3 228 milliards de dettes représentant 112 % du PIB alors que les règ
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